Scopitone – Art, Culture, Musique
La quinzième édition du festival Scopitone exposait ses découvertes artistiques et proposait une réflexion sur le digital, à Nantes, du 21 au 25 septembre 2016. Le festival multimédia s’éparpille dans les plus beaux lieux de la ville – le Jardin des Plantes, le Château des Ducs de Bretagne, le Lieu Unique, le Passage Sainte Croix, le Stéréolux – pour accueillir quatorze installations artistiques, trente-sept concerts, trois performances, des projections du Japan Media Arts Festival et des conférences. Scopitone c’est cinq jours intenses, cinq jours qui émerveillent autant par la vue que par le son, et parfois plus avec les installations sensorielles et ludiques trônant ci et là.
Nantes est une ville habituée aux événements culturels, Scopitone commence un mois à peine après la clôture de l’annuel parcours Le Voyage À Nantes, ayant pour devise « la ville renversée par l’art », et comme ce dernier, le festival investit totalement la ville. Pourtant, pour en profiter il n’est pas nécessaire d’investir, la totalité des expositions et dix concerts étant gratuits.
L’art à Scopitone
Du programme arts numériques, dont la thématique propose des œuvres qui « interrogent leur siècle, ses pratiques et ses visions », voici la sélection de la rédaction :
Au Stéréolux, l’artiste espagnol Félix Luque Sànchez propose deux installations, Clones et Memory Lane, créée pour la dernière avec Iñigo Bilbao, artiste Barcelonais spécialisé dans la modélisation 3D et la data visualisation. Lauréat du prix New Technological Art Award en 2012, Félix vit maintenant à Bruxelles et expose ses œuvres à travers le monde. Nous avons eu la chance de le rencontrer et de recueillir quelques explications.
Au Trempolino, Diapositive 1.2, une création de Children of the Light, paire d’artistes scénographes spécialisés dans l’utilisation de la lumière et de l’obscurité, s’expose pour la première fois en France. La collaboration entre le Néerlandais Arnout Hulskamp et le Norvégien Christopher Gabriel s’arque autour des effets du spectre lumineux, la réfraction et la réflexion. Dans cette installation, soutenue par le Horst Arts & Music Festival Belgium et l’Ambassade du Royaume du Pays-Bas, le duo invite le spectateur à ressentir l’incompréhension. Au milieu d’une pièce close, sombre et enfumée, un large cerceau de métal noir, en rotation sur lui-même, illumine de ses lampes LED certaines parties – extérieures comme intérieures – et module à son aise les perceptions du spectateur, qui ne différencie plus le plein du vide. C’est hypnotique, apaisant et angoissant, c’est étrange et plaisant.
À deux pas du Trempolino, et deux autres de la grue jaune Titan, la Cale 2 Créateurs expose, dans une première salle, la sculpture lumineuse des italiens de fuse*, commandée spécialement pour Scopitone. L’installation Cortex accueille le public dans une pièce étroite et sombre et se joue des réalités perçues par l’Homme. L’œuvre pioche aléatoirement du contenu visuel posté sur les réseaux sociaux et les réinterprète physiquement par la lumière et le son. Le code informatique devient avec Cortex une immense source d’art aléatoire, et permet au digital de prendre vie et de s’exprimer de lui-même.
Dans une autre salle de la Cale 2 Créateurs, le festival montre rate-shadow expérience visuelle des japonais Daito Manabe et Motoi Ishibashi, montée en collaboration avec la Maison de la Culture du Japon à Paris. L’installation présente sur les murs et sur différentes stèles où des sont objets posés – tous créés par les artistes – que l’œil voit éclairés par une simple lumière blanche rosée changeant d’angle par moment. rate-shadow prend toute sa dimensions, devient observable, en usant des appareils photo de téléphones, tablettes, ou tout appareil photo ou caméra numérique. Par ce biais uniquement apparaissent des balayages chromatiques, des diffractions de la lumière, des spectres lumineux autres que le blanc. L’œuvre prouve que la lumière blanche n’existe pas, qu’elle est le résultat d’un composé des couleurs primaires et que notre vision n’est qu’une illusion, une tromperie infligée par notre propre cerveau. rate-shadow se veut même ironique car pour nos faire déceler la réalité, le spectateur doit user de ce qui l’en déconnecte le plus souvent : son Smartphone.
Un peu plus loin dans Nantes, le Château des Ducs de Bretagne reçoit deux artistes japonais pour trois œuvres. La première salle abrite Unfold, de Ryoichi Kurokawa, installation visuelle et sonore immersive composée de trois écrans verticalement parabolique.
Un étage plus bas, une seconde œuvre de Ryoichi Kurokawa attend les visiteurs pour une première française, Constrained Surface. Installation audiovisuelle défiant les dimensions et l’espace physique. Dans un univers sonore électrique et oppressant deux écrans, disposés asymétriquement, réfléchissent la lumière et semble pourtant symétriques sous certains angles. Le spectateur ressort évidemment troublé.
Enfin, encore plus bas, comme une cave, un espace sombre et inquiétant met en scène Rekion Voice, de Katsuki Nogami. L’artiste déjà présent à Scopitone en 2015 répond à nos quelques questions, à découvrir ici !
Direction le Jardin des Plantes, pour découvrir les créatures en plastique gonflable, alimentées par une soufflerie, les rendant quasi vivantes, du coréen Lee Byungchan. La partie de Urban creatures, Calling for Mammon présentée dans le cadre de Scopitone est impressionnante et fascinante. Une grosse « araignée » aussi fantastique que folklorique patiente dans sa serre, respirant profondément. Rencontré brièvement, l’artiste nous confie qu’après avoir fait plusieurs expositions avec son projet il trouvait passionnant de s’installer « dans un jardin français bien rangé, organisé et contrôlé. Ce jardin est une sorte de décoration dans une ville de consommation, mais aussi un lieu où l’on peut aller respirer, moi j’y fais respirer ma créature. » Sa créature trouve justement sa place dans « une ville de consommation » car elle représente pour Lee Byungchan une sorte de dieu, Mammon, dieu de la matérialité. « Pour moi, l’espace d’exposition est inséparable de mon œuvre, je mets en place un dialogue entre l’environnement et mon travail qui crée les créatures. J’étais très heureux de venir à Nantes, la localisation est idéale, au cœur de la ville, dans un magnifique jardin, non loin d’un cimetière qui m’offre la dimension rituelle idéale. »
La Musique à Scopitone
De la programmation musicale de cette édition, la rédaction retient sur les trente-sept concerts, le Norvégien André Bratten, d’une incroyable précision dans ses rythmiques froides, un des live électro les plus marquant de l’année pour adscite. Autre Norvégien, Lindstrøm, malgré une performance légèrement décevante quand on connaît la qualité envoutante de ses productions.
L’allemande Helena Hauff, présente avec ses vinyles, a assuré un set techno sombre et entrainant, ses excellentes capacités ont ouvertes la voie à Paula Temple qui enchaine avec un set bien plus radical et violent. Plus léger, les Français de Bon Entendeur distillent en live leurs sympathiques playlist, tout en sourire et bonne humeur, à prendre comme ça vient, c’est bien. Autres français, le groupe Carpenter Brut pour un live puissant et fédérateur, à recommander à tous, et l’incroyable Jacques pour une nouvelle improvisation follement géniale.
Enfin, pour la rédaction le meilleur concert du festival est celui de Mykki Blanco, le rappeur performer queer produit par Woodkid. Mykki arrive en vélo, reprend Sunglasses At Night de Corey Hart dans un version glaçante, saute dans le public, danse sur le bar de la salle, casse ce qu’il peut, s’arrose, fait un striptease, danse, saute, danse, saute, encore et encore. Hallucinant, retournant, lessivant. Incroyable !
Crédit photos musique © CLACK
Crédit photos art © adscite
Alexandre Fisselier