Katsuki Nogami et ses robots esclaves

Présent lors du festival Scopitone, l’artiste Katsuki Nogami présente Rekion Voice et ses robots esclaves qui, dans un espace comme oublié de tous, reflètent l’horreur déshumanisée de l’esclavage, non sans une certaine humanité. Stupéfiant.

Ce n’est pas votre première fois à Nantes, que pensez-vous de la ville ?

Nantes est une petite ville, jeune, non loin de la campagne, avec une vie très active. Tous les soirs, en semaine et surtout weekend, les gens sortent, font la fête et boivent, et pourtant tous les matins les Nantais se lèvent tôt et bondent le tramway. J’ai l’impression que les gens sont plus jeunes ici qu’à Paris. J’aime aussi beaucoup y trouver les nombreuses mosaïques Space Invaders partout dans la ville.

L’année dernière vous exposiez déjà au festival Scopitone, comment cela a-t-il influencé la mise en scène de Rekion ?

Oui, l’année dernière j’ai présenté ma performance publique Yamada Taro Project et j’en ai profité pour visiter le lieu d’exposition pour Rekion, j’ai découvert le château et j’ai donc pu considérer la totalité de la mise en scène.

Pouvez-vous justement nous parler de la mise en scène ?

Quand j’ai vu le sous-sol du château, je me suis senti comme en prison. À Tokyo, on ne peut pas voir de lieu comme celui-ci, un bâtiment si historique. Pendant la mise en place de Rekion j’avais froid tous les soirs, l’atmosphère est sèche et glaciale, idéale pour l’installation. C’est donc la parfaite prison pour mes robots esclaves, dans cette cave, les robots ne s’arrêtent jamais, même quand personne ne les regarde. Ils restent de loyaux serviteurs, liés par le système.

Pour la partie plus design des robots, je suis allé à contre courant des habituelles conceptions humanisées. Mes robots sont crus et rappellent le caractère déshumanisé du véritable esclavagisme. J’ai aussi fait en sorte que le spectateur entende le cri des robots, un son produit par leurs moteurs et signaux électriques.

Comment les robots se meuvent-ils ?

Les robots esclaves suivent leurs « maîtres spectateurs » à l’aide de deux caméras infrarouge. J’ai une vidéo d’archive qui illustre bien mieux la question.

Culturellement, quels sont vos robots favoris ?

Le petit Wall-E des studios Pixar, le célèbre HAL 9000, dans le film 2001 l’Odyssée de l’espace réalisé par Stanley Kubrick. Dans la culture manga, il y a les personnages de Masamune Shirow dans Ghost in the Shell et ceux de Masakazu Ishiguro dans Getenrô.

Vous avez étudié auprès du célèbre Olafur Eliasson, que retenez-vous de son enseignement ?

Déjà, j’adore la clarté de son travail ! Olafur Eliasson apprend à ses élèves de nombreux domaines variés, pour cela, il fait appel à des conférenciers d’horizons divers, des mathématiciens, des philosophes, des acteurs, des musiciens, et bien d’autres. Après chaque rencontre, les élèves sont invités à discuter entre eux du sujet. Moi, mon problème était l’anglais, que je ne maitrise pas très bien, j’ai donc appris à communiquer à travers l’art et la vidéo.

L’approche de l’art est très différente entre l’Europe et le Japon. Selon vous, quelles sont les principales différences ?

Oui, c’est très différent. Au Japon, les gens ne pensent pas à ce qu’ils ne comprennent pas alors qu’en Europe les gens se questionnent sur ce qu’ils méconnaissent. Les Européens sont plus curieux, surtout dans des domaines comme l’art. D’ailleurs, mon domaine, le Média Art, n’est pas encore totalement assimilé au Japon alors qu’en Europe des festivals et musées y sont consacrés.

Un jour où j’étais avec Olafur, il m’a demandé: « Pourquoi es-tu venu ici ? ». Je lui ai répondu : « Je me suis échappé du Japon pour pouvoir y penser depuis un autre pays. »

Pour en savoir plus sur l’édition 2016 du festival Scopitone, suivez le guide !

Alexandre Fisselier