Azzaro, 50 ans d’éclat, d’audace et de sensualité
C’est l’histoire d’un premier demi-siècle. De cinquante années traversées par la maison à paillettes créée par Loris Azzaro, en 1967. Une maison qui, depuis mars 2017, accueille le jeune et délicat créateur, Maxime Somoëns, à la direction artistique. Succèdant ainsi au duo Arnaud Maillard et Alvaro Castejon, et surtout à Vanessa Seward, qui avec grâce insuffla une sensualité spontanée et modernisée aux codes Azzaro.
En parallèle du défilé des cinquante ans de la griffe, organisé par la marque, et dirigé artistiquement par Bianca Brandolini d’Addax et Eugénie Niarchos, Serges Gleizes, journaliste et auteur, a consacré un magnifique ouvrage à la maison, Azzaro, Cinquante ans d’éclat. En cent-quatre-vingt-douze pages, il revient sur l’histoire Azzaro, depuis les débuts de Loris Azzaro jusqu’à aujourd’hui. Dans ce livre, l’auteur s’écarte de la facilité et de l’ostentatoire pour offrir aux lecteurs un panorama quasi total de la marque. Préférant les anecdotes pertinentes et les visuels à foison aux longs discours d’entreprise, Serges Gleizes, à nouveau associé aux Éditions de la Martinière, a réalisé un ouvrage pour tous, amateurs connaisseurs ou simples curieux.
La préface de Azzaro, Cinquante ans d’éclat est signée par Marie-Josée Susskind-Jalou, directrice de la publication des Éditions Jalou, groupe éditant une dizaine de magazines, comme Jalouse, L’Officiel ou encore L’Optimum, dans plus de quatre-vingt pays. « Loris Azzaro a habillé toutes les femmes de son époque. Il était précurseur, astucieux, voire marginal, car il avait inventé un créneau stylistique et commercial qui n’existait nulle part ailleurs. Son style très reconnaissable, sensuel et un brin provocateur, a fortement inspiré après lui. Il a préfiguré la débauche sexualisée du début des années 2000. Dans la mode, il nous a laissé en héritage un message sociétal intemporel : le culte de la silhouette, le sens de la ligne, l’art du drapé, du jersey et de la broderie, les vibrations des matières argentées, le caractère indémodable du blanc et du noir. »
Serges Gleizes a segmenté son livre en quatre grandes parties :
- L’inspiration : Le soleil, la Méditerranée et l’art.
- Le style Azzaro : L’éloge du glamour.
- Le monde des parfums : Voyages olfactifs.
- Azzaro : Éclats d’aujoud’hui.
L’inspiration : Le soleil, la Méditerranée et l’art.
Ce premier chapitre pose les bases de la marque, son essence, ses empreintes. Dès les premières lignes on comprend que le prologue de la marque est un récit à part entière. Le lecteur oscille entre un conte et une chronique mondaine, car pour Loris Azzaro, né dans un milieu modeste, en 1933 à Tunis, la montée fut épatante.
Sommairement, l’auteur nous fait comprendre que le soleil, la Méditerranée et ses couleurs auront une importance considérable dans la ligne pensée par Loris Azzaro, très vite épris de couture :
« J’avais un grand-mère sicilienne qui avait une machine à coudre et qui connaissait les rudiments de la couture. […] Comme je n’avais pas beaucoup d’argent, j’allais au souk acheter des tissus au poids et je faisais mes propres shorts, costumes de bain et chemises, avec l’aide de ma grand-mère. J’ai appris tout petit les bases de la couture. Les tissus ont enchanté mon enfance. Dans les souks, j’étais captivé par les couleurs et leurs lumières. Je me demande si ce n’est pas ce chatoiement qui a inspiré ma mode. »
Serge Gleizes passe ensuite à tire-d’aile les débuts de Azzaro. Les rencontres entre Loris et sa femme et muse, Michelle, ou encore avec son grand ami Jean-Paul Solal. Le départ et les débuts à Paris, les multiples boutiques, tout est dit et tout est résumé. Sans pour autant laisser de côté de belles anecdotes comme celle-ci : « Le couple s’installe en 1962 à Paris avec les moyens du bord dans un petit appartement rue Spontini. […] C’est l’époque des vaches maigres, de la tendre bohème. […] Loris fait du porte-à-porte pour vendre des aspirateurs, Michelle travaille en tant que mannequin. […] « Lorsque la journée avait été bonne, il (Loris, ndlr) lui offrait une pièce en or », raconte Béatrice (fille ainée de Loris et Michelle Azzaro, ndlr), rite qui préfigurera les premières robes bijoux. »
Le style Azzaro : L’éloge du glamour.
Le second chapitre s’intéresse d’avantage à la silhouette Azzaro, à ses lignes et ses matières. Aux paillettes et au glamour. Impossible de parler de la maison sans évoquer une féminité sensuelle et provocatrice :
« Il avait le don de magnifier la silhouette, raconte Béatrice Azzaro, la fille de Loris, de sublimer un décolleté, d’affiner les hanches, de structurer la taille, tout en privilégiant la beauté, le confort, l’élégance. Avec lui, toutes les femmes devenaient fatales. Et cela aussi bien avec des créations en taffetas qu’avec des robes fluides en jersey taillées dans le biais, à paillettes ou à sequins, traitées comme des secondes peaux, sublimes à porter, donnant une assurance folle. »
L’auteur profite de cette partie pour rappeler au lecteur l’époque dans laquelle se déroule cette genèse. À Londres, John Bates dessine la première mini-jupe avec Mary Quant et à Paris, Loris Azzaro créé des robes du soir : « Chez moi, la base est toujours la même disait-il, sexy, formes soulignées, transparences, décolletés. Dos nu, mais voilé. Et jamais plus de deux matières afin de ne pas brouiller la silhouette. » Les années 1960 défilent et les gens aspirent à plus de libertés, Loris se saisit de cette dynamique pour émanciper la femme, il en affranchit le corps sensuel, en fait l’éloge et s’ancre dans la volonté d’un nouvel âge. Une ferveur que suivent des célébrités comme Brigitte Bardot, Jane Birkin, Tina Turner, Dalida, Sheila ou encore Claudia Cardinale. « Certaines de mes clientes célèbres sont devenues des amies, […] je leur dois beaucoup, c’est grâce à elles que j’ai été connu. Nous avons fait un échange. Je les ai faites belles et elles m’ont fait célèbre. »
Avant d’enchainer avec une série de photos présentant de nombreuses star habillées par Loris, Serge Gleizes conclue le chapitre en synthétisant l’esprit Azzaro : « Visionnaire, sensible, curieux » et introduit Vanessa Seward qui assura la sauvegarde de l’esprit Azzaro à la mort de Loris : « Avec talent, la jeune styliste poursuit l’aventure tout en apportant sa touche personnelle, sans jamais trahir l’esprit du couturier. »
Le monde des parfums : Voyages olfactifs.
En introduction du premier chapitre L’inspiration : Le soleil, la Méditerranée et l’art, l’auteur traduit le style Azzaro comme inspiré des couleurs et matières de l’enfance de Loris. Avec le troisième chapitre, consacré aux parfums de la maison, il vient appuyer ses écrits ainsi : « Il y eut d’abord les parfums de sa jeunesse, des fleurs et des épices de sa Tunisie natale, de la cuisine, des agrumes, de l’Italie. […] « Je suis habité par cette Méditerranée qui a indéniablement marqué mon enfance […] tout comme le bleu, cette force présence de l’eau, de la mer dans mon existence. Tous mes sens sont pris par le soleil, le sable, le ciel. Ces odeurs, j’essaie de les couler dans mes parfums. Les couleurs également pêle-mêle. Les œillets, les roses, le jasmin et cette atmosphère de souks chargée d’arômes et d’épices. » Cette perception sensorielle […] donnera naissance aux parfums féminins Couture, Oh La La, Eau Belle, Azzaro pour Elle… Et masculins, Azzaro pour Homme, Chrome et, aujourd’hui, Azzaro Wanted. »
Ces « armes de séduction », dont la première création fut Couture, en 1975, soit neuf ans après la naissance de la maison, se veulent les reflets des créations originales Azzaro. « Mon parfum doit ressembler à mes robes, révèle Loris, il doit être le complice de la femme. Je sais quelle peut être l’influence du pouvoir érotique du parfum. » Un écho qui doit se poursuivre sur le design des flacons, tant que l’ouvrage de Pierre Dinand, hommage à la robe Trois Anneaux sera exposé au MoMA de New York. Néanmoins, le succès des « armes » douces et sensuelles arriva avec la fragrance Azzaro pour Homme. « Un parfum pour homme dont les femmes rêvent », créée par Gérard Anthony et Gerrit van Logchem, et lancé en 1978.
Serge Gleizes dresse avec ce chapitre l’ensemble de l’héritage olfactif de la maison Azzaro. De parfum en parfum, il dévoile anecdotes et informations sur une autre essence de la griffe. Jusqu’à clore par le dernier-né Azzaro Wanted, fruit du travail de Fabrice Pellegrin.
Azzaro : Éclats d’aujoud’hui.
L’ultime chapitre de Azzaro, Cinquante ans d’éclat, se penche sur l’après Loris Azzaro, suite à sa disparition. Entre 2002 et 2011, « l’arrivée de Vanessa Seward, créatrice française d’origine argentine engagée […] d’abord comme assistante, inaugure une nouvelle ère. […] Sortie du studio Berçot, la jeune femme débute chez Chanel où elle travaille durant neuf ans et poursuit chez Yves Saint Laurent auprès de Tom Ford. » Vanessa Seward, surdouée et motivée, exhorta Loris Azzaro pour qu’il retrouve l’esprit originel de la marque. Non sans mal, elle finit par le convaincre, lui, ainsi que l’ensemble de la presse. Vogue Paris consacra alors six pages à la jeune créatrice. Elle inscrit Azzaro dans la modernité. « Vanessa Seward a fait un travail subtil, confirme Béatrice Azzaro, elle a su garder l’esprit de notre père tout en lui apportant une petite touche anglaise. Elle a fait de la haute couture sans que cela en soit. Du grand art ! »
L’auteur passe, après Vanessa Seward, directement au défilé des cinquante ans, puis à Maxime Simoëns sans se préoccuper de la période Arnaud Maillard et Alvaro Castejon. Un oubli étonnant et ennuyeux dans cet ouvrage. Bien que les deux designers n’aient pas apporté de grandes révolutions à la maison, ils y ont contribué et ont créé des pièces intéressantes comme la robe Paciane.
Azzaro, Cinquante ans d’éclat, de Serges Gleizes, aux Éditions de la Martinière, est un bel ouvrage qui retrace, en synthèse et illustrations, l’histoire de la griffe. Seul regret, le manque de pages consacrées au design pur. Ces absences laissent alors la place à de nombreuses anecdotes sympathiques. Entre biographie et cahier d’inspiration, le livre saura trouver sa place dans des bibliothèques aux attentes diverses.