Yung Hurn, rappeur dadaïste
À qui le Rap vient-il à l’esprit, en pensant à Vienne ? La capitale Autrichienne est plus souvent synonyme de grande musique. Mozart et Beethoven, un certain Haydn, des Franz qu’ils soient Schubert ou Liszt, des Johannes qu’ils soient Brahms ou Strauss, tous évoquent la grandeur classique et tous ont vécu à Vienne, seul Franz Liszt n’y est pas mort. Une dynastie musicale remarquable et inoubliable, qui laisse aujourd’hui au Land un héritage faste.
À Vienne, au XVIII siècle, la musique était réglée, subtile et fine, elle est aujourd’hui soufflée par une bouffée libératrice de dogme. Son nom ? Le Cloud Rap. Un sous-genre expérimental du hiphop, apatride et numérique, apprécié par ces représentants comme un « non-mouvement anti-puriste ».
Le contenu ne prévaut pas, les paroles se font aléatoires, souvent déclamées sous autotune, sur des beat aériens. En ressort un chaos lyrique excessivement exécrable ou définitivement agréable. Ici, l’absurde se met au service de l’esthétique sonore « rap » de la génération internet. Le Cloud Rap aussi amical que radical détonne et donne la réplique à sa famille musicale, il contre le monotone.
En Autriche, c’est la Nouvelle École Viennoise qui donne le ton Cloud. Elle est essentiellement représentée par le collectif Live From Earth et son électron libre Yung Hurn. Avec son titre Opernsänger – Chanteur d’Opéra –, il rend d’avantage hommage au Figaro de Rossini qu’à celui de Mozart, mais s’impose comme artiste d’une scène viennoise excitante.
« Wenn du willst, Baby, wenn du willst
Wenn du willst, wenn du willst mach ich alles für dich
Wenn du willst, wenn du willst
Werd ich Opernsänger
Lalalalalalala
Lalalalalalalalaaa
Figaro, Figaro, Figaro »
« Si tu veux, Bébé, si tu veux,
Si tu veux, si tu veux, je ferai tout pour toi
Si tu veux, si tu veux,
Je vais faire chanteur d’opéra
Lalalalalalala
Lalalalalalalalaaa
Figaro, Figaro, Figaro »
Yung Hurn, vit dans le 22e arrondissement de Vienne, un coin historiquement plus populaire en pleine gentrification, il est témoin de la mutation du cool en « fool ». Amateur de rock indie et psychédélique, cet enfant de la nouvelle génération internet se souvient avec mélancolie de MySpace et respire SoundCloud. Le Viennois s’interdit les paroles trop élaborées, il couche ses textes sur son téléphone puis les complète en improvisation minimale et fulgurante. Conscient d’évoluer dans une niche, Yung Hurn vogue constamment entre musique et performance. Cet artiste Dada ne pose et s’impose aucune règle, rien ne vient interférer la création, tout se passe dans l’indifférence du bon ou du mauvais goût. Et comme les ready-made de Duchamp, la création surgit !
Et lorsque Hurn ne promet pas à ses futurs beaux-parents de devenir chanteur d’opéra, il compose avec drogues, armes, alcool et fric à outrance. Puis, décompose ces codes du gangsta rap, sans les moquer ou les parodier. Il erre en gangster épileptique dans sa musique qu’il diffuse au maximum sur les réseaux sociaux. Yung Hurn est un Dada viral, le Cloud Rap son dada digital.
Krocha Tape, le dernier album de Yung Hurn, sortit le 3 janvier 2016 est en téléchargement sur Bandcamp
Les précédents album 22 et Wiener Linien sont également en téléchargement libre sur le site du collectif Live From Earth
Alexandre Fisselier