Rei Kawakubo
La marque japonaise Comme des Garçons, iconique, anticonformiste et avant-gardiste, est dirigée par la mystérieuse Rei Kawakubo depuis son lancement en 1969. Les vêtements se font sans message à l’image du nom de la maison, sans sens mais aux « douces » consonances – komu de gyaruson.
REI KAWAKUBO
Avec son énergie post punk mêlée à la tradition japonaise Kawakubo est l’une des – la – stylistes les plus douées depuis Yves Saint-Laurent. Sans faire d’études professionnelles, philosophie puis publicité, elle apporte un regard pur et décontracté aux sources de la mode. Aventurière, elle cherche toujours à faire évoluer les codes, ce qui peut être déroutant dans un milieu paradoxalement normé. Elle pèse génialement ses concepts, les silhouettes souvent noires, sa couleur de prédilection, s’ornent de bosses, de coupes inattendues, de plis envoûtants et de peu de motifs. Rei Kawakubo c’est aussi l’insouciance et la liberté, après une carrière quasi entièrement teintée de noire, elle s’échappe et mise tout sur le blanc en 2012 avec la collection printemps-été intitulée White Drama.
L’authenticité de Kawakubo est extrême. Acharnée au travail, totalement radicale et maîtresse du contrôle, elle jongle entre la dimension artistique d’une maison de couture et les obligations économiques qui en découlent. Elle lutte contre la superficialité de la mode et réalise des pièces que certes peu de gens peuvent porter mais dans un objectif honorable : se détourner de la normalité, de l’uniformité. Pour cela elle va jusqu’à modifier des machines à coudre, quand le tissage manuel n’est pas possible, pour éviter une régularité malheureuse dans sa vision de la couture. Cette expérience de création constante hérite de recherches et développements autour de nouvelles formes de beauté. Rei Kawakubo s’interdit – ne connaît pas – une seule définition du « beau » et explore, voire bouscule, alors les limites pour sublimer le corps de la femme – radicalement. Les lignes Homme restent sobres, l’image demeure plus sérieuse – le poids de la tradition nipponne – et les « para-collections » Comme des Garçons viennent ouvrir à un plus large public les portes de l’univers fabuleusement dingue de Rei Kawakubo.
LOGOTHEMA
Le cœur, ce double cœur où il n’est plus question de ventricule droit ou gauche, mais d’organique et de symbolique. Il amène et permet la vie par une rythmique imagée de l’amour et une cadence binaire vitale – boom boum. Qu’il gère des sentiments ou des flots de sang, le cœur est le centre de tout être, de tout monde. Pulsations tribales, transversales.
Il est le représentant des émotions, au rythme versatile des bonheurs ou malheurs, des excitations ou dépressions. L’électrocardiogramme, sismographe des affections.
Un organe singulier qui demeure fragile et simple à briser. Cœur vulnérable, telle la rose enveloppée, il siège au sein – au cœur – du corps, non exposé, protégé de l’extérieur.
Discret, parfois timide, il ne s’offre pas à tous. Le cœur se gagne, se déverrouille.
Crédit Photo couverture © Eiichiro Sakata
Alexandre Fisselier