Rencontre avec l’artiste Yann Masseyeff
Yann Masseyeff, membre des Ateliers d’Art de France, vit à Toulouse où il façonne des sculptures en grès. Ses créations minérales et brutales se créent au gré de gestes libres et abstraits. La rédaction d’adscite a rencontré l’artiste au salon Maison&Objet de janvier 2017, où Yann Masseyeff exposait pour la première fois, dans l’espace Craft.
Yann Masseyeff, pourquoi travailler le grès pour vos sculptures ?
J’ai reçu une formation de céramiste et maintenant je travaille le grès… Le grès pur, sans me poser de contraintes techniques. Avant, lorsque je composais avec la porcelaine je devais suivre des protocoles précis, c’était contraignant et ça limitait ma créativité. Le grès a pu me libérer. Son côté brut me va bien, je peux jouer avec les textures et rester dans le minéral. Avec le grès il n’est pas nécessaire d’ajouter de l’email ou quoi que ce soit, c’est important pour moi que toutes mes sculptures soient abstraites. Je les façonne de manière totalement spontanée. Ne pas réfléchir, ne pas avoir d’intention précise, me permet de développer un univers de formes conséquent. Aujourd’hui, je dois avoir réalisé environ douze mille sculptures différentes.
Toutes vos sculptures sont spontanées, ou certaines viennent d’inspirations ?
Elles sont vraiment toutes spontanées, je me suis vite aperçu que, quand j’avais une idée ou une inspiration, je n’arrivais pas à la mettre en place. Le fait de ne plus réfléchir m’extirpe de la simple confection où je devrais représenter des formes précises. Je ne suis plus dans une simple représentation mais dans une liberté qui apporte beaucoup plus d’énergie au résultat car tout passe par le geste. Dessiner avant d’exécuter serait propre, mais le résultat serait moins vrai, moins bon.
Pouvez-vous nous parler de vos œuvres Noir et Blanc ?
Au niveau du concept, je conçois les tableaux en diptyques. C’est une réflexion sur la société où chaque petite sculpture représente une individualité unique. Pour le tableau Blanc, une seule sculpture est noire et elle représente l’être exclu au milieu de l’élite. Je laisse en opposition une place vide, qui fait face à l’exclu et qui équilibre le tableau en évoquant l’avenir ou la peur, cette place vacante représente toutes les choses abstraites que l’on peut y ranger. Pour le tableau Noir, le blanc devient l’exclu des noirs, mais attention, c’est purement symbolique, il ne faut pas y voir du racisme, c’est un jeu d’opposition graphique fort. Une opposition qui dialogue de manière intéressante lorsque l’on prend de la distance avec le diptyque. On s’aperçoit que le noir est en harmonie avec le blanc, les deux élites s’équilibrent et on constate qu’en prenant le temps de regarder les choses différemment, il y a de l’harmonie. Il faut juste faire l’effort de regarder.
Et quel est le sens de Cadence, où je vois, moi, des organes ?
Le nom Cadence vient du système de LED derrière chaque sculpture qui émet des battements très légers, très estompés, lents et zen. Et pourtant, pour les « organes », nous sommes dans l’abstraction non loin de la figuration, chacun peut alors projeter son propre imaginaire. Avec Cadence nous sommes un peu comme devant les nuages, on y voit ce que l’on veut bien y voir. Moi, je voulais juste travailler les espaces et investir de grands volumes intérieurs.
Remerciements : Yann Masseyeff | Salon Maison&Objet | Ateliers d’Art de France
Alexandre Fisselier