Claire Martine colle au surréalisme
Rencontre avec Claire Martine, une jeune artiste collagiste de Montpellier, sélectionnée par Saatchi Art dans la catégorie New Surrealist Works. Autodidacte passionnée par les arts manuels, elle s’amuse à raviver des images abandonnées par les années.
Avant de devenir collagiste, avais-tu entamé un chemin artistique ?
Mon parcours artistique, et bien je n’en ai pas tellement. J’ai toujours aimé faire des collages, de la photographie, de la couture, du point de croix. C’est ça mon chemin artistique, la pratique multiple de choses manuelles. Je suis autodidacte, sans aucune étude dans le milieu des arts.
Pour revenir au collage, il a pris le pas sur mes autres loisirs, j’ai été très productive dans cette discipline. J’ai commencé à en cumuler beaucoup, ce qui poussa mes proches à m’encourager à montrer mes travaux. À la base, c’était seulement un hobby intime. Puis j’ai commencé à poster sur Instagram et j’ai lancé un site internet pour officialiser le tout. Ensuite, j’ai décidé de faire des séries limitées, en lançant une gamme de cartes postales et une autre d’affiches. Deux gammes mises en vente sur mon site depuis novembre 2016. Les originaux eux sont disponibles dans la boutique Saatchi.
Pourquoi le collage a-t-il dominé tes autres activités manuelles ?
Il faut savoir que mes collages ont pour seule source des magazines Paris Match, édités entre les années 1920 et 1970. Ce choix de support vient de ma passion pour les vieux objets, pour les brocantes. Ça me plait de sortir chiner le dimanche. Chez moi, quand je cherche des images dans les vieux Paris Match, je voyage au fil des photoreportages, je retrouve cette flamme pour l’ancien de page en page. Le collage c’est un art qui me permet de redonner vie à des images passées, des images qui risquent d’être oubliées. Avoir pour support des éléments délaissés par les années fait du collage la discipline que j’aime le plus entre toutes les autres formes d’art.
Pourquoi Paris Match et pas un autre type de magazine vintage ? Et combien d’exemplaires as-tu ?
Premièrement à cause du format très spécifique de Paris Match, plus grand que du A4. C’est plus confortable. Et deuxièmement, c’est tout bête, mais à cause du nombre ahurissant de numéros déjà parus. Les Paris Match, pour mes collages, sont une source inépuisable d’idées et de matières. J’affectionne vraiment ce magazine.
Pour le nombre d’exemplaires, il faut savoir que j’ai commencé avec très peu de numéros différents, entre quatre et cinq, alors qu’aujourd’hui j’ai une bonne centaine de Paris Match. Cependant, j’essaie de ne pas en acheter régulièrement pour ne pas me perdre dans des tonnes d’idées. Quand j’en acquiers un, je le lis, le décortique, le découpe, puis je range les feuilles dans des classeurs par thème, par couleur ou par format. Une fois les archives constituées, je peux y revenir facilement, ça me permet de redécouvrir des images que j’aurais pu définitivement oublier.
En regardant tes collages, on distingue presque deux types de collections, est-ce voulu ?
Il y a deux méthodes de travail différentes, mais ce ne sont pas vraiment des collections. Quand j’ai commencé, je faisais uniquement de la superposition d’images. Dans mes travaux, deux éléments sont exclusivement utilisés, un fond, qui sert de base à une seconde image qui contraste. Soit de la couleur sur du noir et blanc, soit l’inverse. À un moment, j’ai ressenti l’envie d’aller plus loin dans la démarche. Je voulais trouver un moyen de superposer des images sans colle. L’idée du tressage m’est apparue comme la plus logique. Avec ce système, je peux véritablement, physiquement, lier les images. Pour finir avec cette méthode, les patterns représentés par le tissage je les décalque sur des motifs de point de croix. Après, il ne me reste plus qu’à tresser le papier afin de réaliser des collages, ironiquement sans colle.
Je ne m’impose pas de collection. La seule règle que j’applique est de ne pas dépasser le chiffre de deux éléments sur un collage. Un fond pour un élément apposé dessus. Je m’efforce à viser le résultat le plus minimaliste possible.
Pour tes cartes postales en éditions limitées, pourquoi en faire si peu, sept par série ?
Si peu car c’était la première fois que j’allais vendre une série limitée. Je ne savais pas si mon travail allait plaire ou non. J’ai démarré en me disant que dix exemplaires allaient être un objectif trop grand, alors j’ai réduit à sept. Mais sans aucune signification, sept parce que sept, le chiffre m’est venu comme ça, tout bêtement.
En 2016 tu as exposé tes collages à Montpellier, était-ce ta première fois ? Et d’autres expositions sont-elles programmées ?
Oui, « Chip Chop » à La Fenêtre était ma première exposition. Elle s’est très bien passée. À la fin, j’ai pu dresser un bilan et constater que justement mes cartes postales en éditions limitées s’étaient très bien vendues. Je vais donc relancer une série prochainement, avec cette fois-ci plus d’exemplaires, mais toujours limités.
Pour les autres expositions, comme je travaille encore à côté, il faudrait que je me libère du temps pour m’y consacrer. Rien n’est encore planifié précisément, j’ai juste des bribes d’idées. Ceci dit, exposer à nouveau n’est pas ma préoccupation primaire. Je préfère me concentrer sur les éditions de cartes et d’affiches de qualité. Je dois également répondre à des collagistes qui m’ont contactée pour entamer des collaborations, et travailler sur la pochette d’un disque.
Tu as été sélectionnée par Saatchi dans la catégorie New Surrealist Works, que sais-tu de cette distinction ?
Le classement est établi par les curateurs de Saatchi Art qui recherchent des artistes qui correspondent à la définition de leur sélection. Cette fois-ci, le thème tournait autour des nouveaux artistes surréalistes, j’ai eu la chance d’être choisie sans rien avoir à faire. Bon, pour le moment ça ne change rien, (interview réalisée trois jours après, ndlr) à part que le nombre de visiteurs de mon site a augmenté. En quelques heures, j’ai obtenu plus de visibilité, pour le moment sans conclure de vente.
Où vas-tu chercher l’inspiration pour tes créations ?
J’évite de m’inspirer d’artistes et d’œuvres pour rester sur mes envies. Mes collages sont souvent fait en confrontant mes sentiments au monde qui m’entoure, bref, en fonction de comment je me sens.
Après, sans chercher l’inspiration, j’aime beaucoup le travail de Eli Craven, un artiste pluridisciplinaire qui a commencé par la photo avant de constituer une collection assez exhaustive de collages et pliages. Avec une seule image, Eli Craven arrive à donner plusieurs interprétations, drôle comme triste, romantique comme érotique. Tyler Spangler aussi, qui est un collagiste non pas analogique mais numérique, ses œuvres sont très psychédéliques, très floues, très cool.
Liens : Claire Martine | Tyler Spangler | Eli Craven
Alexandre Fisselier