AP Collection, le design né de doudous épistolaires
adscite a découvert AP Collection en parcourant la « Comfort Zone » de l’édition septembre 2017 du salon Maison&Objet, à Paris. Les assises singulières au design candide, un peu art anti-bourgeois, nous évoque tout de suite le travail du créateur Jean-Charles de Castelbajac. Rencontre avec Pauline Montironi, co-fondatrice de la marque AP avec Alexis Verstraeten.
Quelle est l’histoire de AP Collection ?
L’histoire de AP Collection c’est la notre, celle de notre couple, Alexis et Pauline. Pendant nos études, nous étions séparés, Alexis habitait à Londres et moi je vivais en Belgique. C’était une époque où l’on ne se voyait qu’en de rares occasions. Pour parer au manque, du moins un peu, nous avions pris pour habitude de nous envoyer des peluches par la poste. Ce jeu a perduré pendant plusieurs mois, jusqu’à ce que Alexis, arrivé à la fin de ses études, ait l’opportunité de quitter Londres pour aller travailler à Singapour. Offre qu’il a déclinée, au profit d’une autre décision, celle de me rejoindre en Belgique par amour. Nous avons donc emménagé ensemble, et nous sommes retrouvés à deux, avec un tas de peluches dont nous ne savions plus quoi faire. Hors de question de les ranger au fond d’un grenier, ou pire de nous en séparer.
Un jour, nous avons regardé ce vieux fauteuil vintage un peu ballant, que nous avions chiné, d’un autre œil. Ce truc qui traînait chez nous, cet objet de notre quotidien allait accueillir nos doudous. Voilà la solution. Alexis et moi, nous sommes amusés à coudre les peluches directement sur l’assise, après avoir visionné quelques tutoriels sur YouTube. Cela nous a pris du temps, nous n’avions jamais fait de couture de notre vie auparavant. L’exercice était presque Herculéen pour nous (rires). Mais le résultat en valait la peine, tous nos petits souvenirs se retrouvaient attachés ensemble, dans une création utile que nous pourrions voir jour après jour.
Rapidement, nos amis ont découvert notre fauteuil et nous ont demandé si nous allions en faire d’autres, créer une marque, etc. Finalement, les encouragements de nos proches étaient les approbations attendues pour lancer AP Collection.
Nuls en couture… Vous ne venez pas de formations artistiques ?
Non, pour nous ni formation artistique, ni approche scolaire du design, rien de tout ça. Alexis vient du management et du marketing, alors que moi j’étudiais la gestion. Plus que pour la partie création, nos formations se sont révélées très utiles pour lancer administrativement la marque AP Collection.
Aucun de nous ne s’imaginait fabriquer des fauteuils un jour, bien que nous sommes plutôt créatifs dans le privé, Alexis adore peindre, et moi je dessine beaucoup. Il faut croire que c’était notre destinée.
Une destinée qui fallait concrétiser, comment se sont déroulés les débuts ?
Après notre premier fauteuil et après avoir lancé la marque AP Collection, nous avons entamé des recherches pour dénicher une couturière. Pour cela, nous avons bêtement consulté les petites annonces… Nous avons eu la chance de tomber sur la perle rare dès le début. Grâce à notre nouvelle recrue nous avançons bien plus vite, et toujours à la main, chose essentielle pour nous. Et surtout les finitions des coutures sont nettement plus belles.
Pouvez-vous nous parler des différentes bases pour les assises ?
Encore une fois dans l’histoire AP Collection, cela tourne autour de notre couple. Le premier fauteuil que nous avons acheté ensemble était siglé de la marque hollandaise Artifort. Nous le trouvions génial, super confortable avec une belle assise. Ainsi, lorsque nous avons débuté et que nous allions encore chiner nos différents modèles en parcourant de petits marchés et divers salons, nous recherchions constamment les mêmes critères de confort que le notre. Et quasi systématiquement, nous achetions des meubles Artifort.
Anecdote rigolote : alors que nous exposions en Belgique, à Knokke-Heist, le petit-fils du créateur de la marque Artifort est venu à notre rencontre après avoir reconnu les assises. Il a trouvé l’idée géniale, nous a invité à venir visiter la société et, surtout, nous a permis de travailler avec eux. Désormais, nous n’avons plus besoin de parcourir les foires et autres brocantes pour chiner de quoi travailler. Nous commandons les modèles authentiques des années 1960 directement chez Artifort. L’authenticité nous tient vraiment à cœur. Nous voulons absolument fuir la production de masse, où tout le monde a le même fauteuil chez lui car tel ou tel modèle est à la mode.
Néanmoins, je précise que pour d’autres bases, comme le piétement du banc AP Collection, avec les hérissons, nous ne sommes pas fournis par Artifort, mais avons créé les pieds en interne.
Et les peluches ?
Les peluches, elles sont le cœur de AP Collection, les choisir est une mission très difficile. Au début, nous les achetions en magasin de jouet, puis très vite nous avons parcourus les salons pour collaborer avec des fournisseurs. Nous voulions des peluches de haute qualité pour l’esthétisme du meuble, bien sûr, mais aussi pour la résistance du produit face à l’utilisation première d’un fauteuil, s’y installer confortablement. Nous devions faire attention aux yeux, aux coutures, à la douceur. Éviter les peluches chinoises déformées avec le regard de travers était très important. Ainsi, nous avons sélectionné des peluches faites à la main, réalistes, qualitatives et surtout très douces.
Ce qui est intéressant avec vos différents fauteuils c’est qu’avec un même concept, grossièrement une assise de doudous, vous vous adressez à plusieurs types de clientèles. Les flamands roses n’attirent pas les mêmes personnes que les hérissons. Est-ce pensé dans ce but ?
Pas vraiment… Les animaux présentés sur nos créations sont ceux que l’on aime. Nous ne pensons pas spécialement à tel animal pour tel type de clientèle. Le raisonnement est plus primaire, comme j’adore les hérissons, je voulais m’amuser à faire un petit banc avec des peluches hérissons. Alexis, lui, rêve de faire un fauteuil avec des toucans… Nous avançons vraiment avec nos coups de cœur sans penser aux différents clients.
AP Collection, continue parallèlement aux éditions limitées, à faire des créations sur-mesure pour des commandes de particuliers. Récemment, nous avons fait une assise avec des chameaux, animal auquel je n’aurais jamais pensé seule, pourtant le résultat est génial.
Pourquoi limiter les modèles à trente exemplaires ?
Au lancement de AP Collection, les créations se faisaient pièce par pièce. Chaque modèle était unique. Malheureusement, lorsqu’un acheteur repérait un fauteuil dans un salon, une exposition ou encore un concept store, le modèle n’était souvent plus en vente. Ainsi, en 2016, lorsque nous avons décidé de venir présenter notre marque pour la première fois au salon Maison&Objet nous avons lancé les éditions limitées à trente exemplaires. Avec ces multiples, nous pouvons présenter au public des pièces exclusives sans circonscrire notre offre.
Si j’évoque le travail de Jean-Charles de Castelbajac, vous acceptez la référence ?
Oui, j’aime beaucoup les créations de Jean-Charles de Castelbajac, l’une des premières personnes au monde à avoir travaillé la peluche de manière décalée. Souvent, on nous confronte à l’univers de Moschino. Pourtant, avant que l’on nous parle de ces références, nous ne les connaissions pas… Mais cela fait toujours plaisir. D’ailleurs, tant que nous sommes sur le sujet, nous adorerions collaborer avec Takashi Murakami, faire un fauteuil avec ses grosses fleurs.
Comment projetez-vous la marque AP Collection dans un avenir proche ?
Nous allons décliner nos créations sur de nouveaux supports, et mettre en place de nouvelles idées, pas uniquement centrées autour des peluches. Le plus important pour AP Collection est de garder son axe presque artistique. Le « presque » est important pour nous. Au début, lorsque nous nous posions la question de la diffusion de nos créations, nous avons préféré les magasins de design aux galeries. Les salons de design aux foires d’arts. Le circuit est différent et nous correspond plus, surtout que design ne veut pas nécessairement dire production industrielle. Nos créations restent uniques, chaque pièce est assemblée à la main, et doit transmettre la bonne humeur. C’est cela que l’on souhaite faire perdurer chez AP Collection, la bonne humeur.