Interview de Julien Barbagallo
Rencontre avec Julien Barbagallo qui nous parle de son second album Grand Chien, de ses passions et de sa tournée mondiale avec Tame Impala. Artiste cultivé et passionnant, Barbagallo fait sonner les émotions où talent, voix et instruments se conjuguent dans des harmonies pop finement édifiées. Il fait résonner ses chansons dans les têtes sans encager les esprits.
Retrouvez l’autoportrait de Julien Barbagallo, ainsi que celui de Tame Impala
Peux-tu nous présenter ton dernier album sorti fin octobre 2016 ?
C’est mon deuxième disque, il s’appelle Grand Chien et est totalement en Français. Je l’ai écrit en grande partie en Australie et il a été enregistré un peu partout dans le monde en raison de notre grosse tournée avec Tame Impala. Il faut savoir que pendant une tournée il y a beaucoup de temps libre, j’ai donc comblé ce dernier par mes projets personnels.
Grand Chien a été mixé à Paris par Rob et Jack Lahana, une grosse différence avec le premier que j’avais arrangé et mixé moi-même. Pour celui-ci, j’ai quand même fait tous les instruments, c’est un projet assez autarcique.
Tu parles de Rob et Jack Lahana pour le mixage et j’ai pu lire que la patte « psychédélique » c’était eux. Tu peux nous en dire plus ?
Oui, c’est eux. Moi seul, je n’aurai pas orienté ça de la même façon car j’ai une tendance à la ligne claire et franche. Je fais des choses, disons, très définies et la collaboration avec Rob et Jack a permis de faire respirer les morceaux, d’aller vers des choses plus oniriques, un peu magique. Nous avons fait quelque chose de très céleste. C’est pour ça que je suis allé chercher une collaboration pour le mixage, je voulais vraiment que quelqu’un prenne les morceaux par la main et les entraînent ailleurs.
Il y a une anecdote qui m’avait fait sourire quand tu étais passé dans le Nova Club, avec David Blot et Sophie Marchand sur Radio Nova, à propos de ta femme qui chante en français sur l’album… La compréhension n’était pas vraiment au rendez-vous ?
Oui, ma femme est australienne, et même si maintenant elle parle un peu français quand je lui ai demandé de chanter elle ne le parlait pas du tout. J’ai du tout lui expliquer, déchiffrer et écrire en phonétique. C’était très rigolo et il fallait parfois s’y reprendre à deux fois mais c’était aussi très intéressant (rires). Je suis surtout très heureux d’avoir sa voix sur l’album ! Et ça aussi c’était une nouveauté pour moi par rapport au premier album. Avec Grand Chien je me suis bien plus ouvert.
Au niveau de l’écriture tu remarques une différence entre tes deux albums ?
Pas vraiment, j’ai abordé ça de manière décontractée sur un temps long. Je ne me suis fixé aucune limite de temps. Pour résumer on va dire que j’avais peu de moyens pour beaucoup de temps. Du temps pour expérimenter, du temps pour combler mes lacunes techniques, du temps pour faire plus de tentatives sonores, etc. Avec le DIY j’ai obtenu un son que plus de moyens n’auraient pas rendu possible. Moi c’est ça qui m’intéresse dans les contraintes que je m’impose, le défi. J’ai composé sur une petite guitare acoustique, sans blague, une petite guitare de voyage, un synthé qui fait trente centimètres maximum et mon iPhone avec une application qui fait des sons de batterie, et c’est tout…
C’est pas frustrant pour un batteur de joueur sur iPhone ?
C’est complètement con surtout (rires). Mais une fois de plus c’est le manque de moyens, nous étions en tournée, je ne pouvais pas avoir de batterie avec moi, enregistrer en studio aurait été trop long donc tu te démerdes autrement… Après, c’était au grand dam de mes amis Rob et Jack qui, à chaque fois que je leur envoyais mes pistes, me répondais « tu veux pas acheter un micro » ou « tu veux pas faire au moins une vraie batterie pour ton disque » et je répondais juste « je peux pas, démerdez-vous avec ça » (rires). Ils s’arrachaient les cheveux, les gars.
Puis c’est plutôt courant maintenant… Les fausses batteries.
Oui c’est ça, il n’y a plus vraiment de règles strictes. Les choses que l’on entend de nos jours à la radio sont souvent délestées de batterie, ce n’est pas une anomalie. Et j’apprends aussi… Quand tu vois que j’ai enregistré le premier album avec le petit micro du Mac, celui que tu utilises quand tu Skype quelqu’un… Il faut faire feu de tout bois.
Et quelles sont tes influences musicales ?
J’ai beaucoup écouté de musique anglo-saxonne quand j’étais ado. Du Super Furry Animals, du Teenage Fanclub et même du Oasis dans les années 90. De la musique américaine aussi, avec les Weezer et The Flaming Lips et après j’ai découvert des choses plus anciennes comme Neil Young, qui est encore très actuel mais j’aime beaucoup ses disques des années 60-70. Et bien sûr des choses comme les Beatles et autres de cette période britannique. Ah, et Genesis pour son côté très progressif. Et finalement, j’ai écouté très peu de musique française, je pense que c’est ça qui m’a donné mon amour pour la mélodie, le fait de ne pas comprendre les paroles. Je ne les comprenais pas et pourtant les musiques britanniques me transmettaient un message fort. C’est ça que j’essaye de retrouver aujourd’hui dans ce que je fais, plus que trouver des références musicales précises, c’est plus la méthodologie qui m’intéresse. J’aime faire de la musique universelle qui parle à tous. Si quelqu’un qui n’est pas Francophone et qui ne comprend pas le français me dit « j’ai adoré ton disque » alors pour moi c’est gagné ! C’est que j’ai réussi à aller vers ce truc qui nous est à tous commun…
Et les influences culturelles ?
C’est plus difficile de trouver de vraies influences culturelles pertinentes. Moi, c’est surtout la géographie qui me parle… Les paysages, la végétation, c’est ce qui me donnent l’envie de m’exprimer. Après pour des références plus ciblée, dans Grand Chien j’ai adapté un poème de Eugène Guillevic, poète breton, pour la chanson Oubliez-moi. Ça manière d’écrire est très terrienne, très éternelle, ça me plait beaucoup. Ça manière de traiter la langue me parle beaucoup, c’est pur, sans lyrisme ampoulé. Guillevic touche à des choses millénaires, qui n’ont pas d’âge !
Sinon, j’aime aussi des écrivains comme Pascal Quignard, c’est encore très simple, sans prétention, il n’utilise pas beaucoup de métaphores, il va au cœur du sens des mots. Jean Echenoz aussi dont j’adore le style.
Je regarde aussi beaucoup de films, les Francois Truffaut, sans grigri, sans tour de passe-passe, où l’on comprend la proximité avec la véritable vie.
Ah, et je suis fan du Moyen Âge ! (rires)
Oui, pendant la tournée avec Tame Impala tu as écouté pas mal de musiques disons moyenâgeuses, me semble-t-il.
Oui, moyenâgeuse et d’inspiration ancienne en général. Beaucoup de chœurs, de musiques instrumentales « datées ». J’ai adoré la simplicité des tons, des harmonies, des textures et des sons qui m’aidaient à me recentrer, à aller à l’essentiel quand tout devenait compliqué.
Sur un tout autre sujet, tu as fait une tournée mondiale avec Tame Impala, quelle expérience en tires-tu pour tes propres live ?
Bon, c’est des échelles très, très, différentes… Tame Impala c’est énorme, comme une sorte d’infrastructure. Nous sommes quinze sur la route avec deux gros bus et deux semi-remorques, pour le moment avec mon projet solo Barbagallo, nous sommes dans un van neuf places et en avant ! L’énergie n’est pas la même, ça ne demande pas la même implication. Pour mon projet je me sens forcément plus impliqué, j’ai beaucoup plus de choses à gérer.
Après, la tournée avec Tame Impala m’a bien inculquée la gestion. De voir Kevin (Kevin Parker, ndlr) gérer tant de choses, il a la main sur tous les aspects de sa carrière, de la photo presse à la projection de la lumière sur scène. C’est extrêmement enrichissant de voir comment il fonctionne. D’être au cœur du truc m’a montré comment gérer en interview, comment vivre en tournée, etc. Grâce à ça j’ai pu sauter quelques étapes pour bien gérer mon propre projet Barbagallo.
Remerciements : Trans Musicales | Arista France
Alexandre Fisselier