Dictionnaire optimiste par Benjamin Isidore Juveneton
Un préface d’Eric Watier, son ancien professeur d’art, et une introduction de Charlotte Le Bon pour ce bel ouvrage « poche ». Rares sont les livres d’art sous ce petit format à autant marquer la rédaction d’adscite, pourtant l’artiste plasticien et « phrasiste » y parvient. Les Éditions du Chêne proposent avec le Dictionnaire optimiste l’un des meilleurs livres à offrir à Noël, car ce dictionnaire, d’abord très attrayant, se révèle vite drôle, puis intelligent, puis pointu, puis sagace et jamais n’agace.
Pour en savoir plus sur l’ouvrage et son auteur, adscite est allé poser quelques questions à Benjamin Isidore Juveneton :
La préface de votre Dictionnaire Optimiste est signée par l’artiste Éric Watier, son travail n’est pas si éloigné du votre. Pouvez-vous nous parler de votre rencontre et de ses travaux ?
Éric Watier était mon professeur d’art à l’école d’architecture. Il m’a d’abord initié aux grands artistes contemporains, puis il m’a appris au travers de sa propre pratique à créer mon univers. Son travail, brut et minimaliste à la fois a été une révélation pour moi. La photocopieuse était notre outil favori à cette époque et de petites choses en petites choses j’avais la sensation de redécouvrir le monde. Je lui dois presque tout.
L’introduction C’est une histoire d’amour, par Charlotte Le Bon est en une bande dessinée en trente cases, une comédie romantique française très raide ? Comme pour Éric Watier, pouvez-vous nous parler de votre rencontre et de ses travaux ?
Charlotte m’a appelé un jour, par surprise, elle avait vu mon expo à la Cité de la Mode et du Design et voulait me rencontrer. Moi je la connaissais déjà pour ses dessins. Légers, noirs mais réalistes. Je savais que ça collerait entre nous. Quelques années après, quand elle m’a présenté son premier jet pour l’introduction, j’ai su tout de suite qu’elle avait visé juste, que nous étions complémentaires.
L’intégralité de l’ouvrage est tirée de votre blog ouvert en 2010, Adieu et à demain. Comment passer du format numérique au physique, et surtout comment sélectionner tel dessin, ou telle phrase ?
À vrai dire les choses se sont un peu mélangées. J’ai toujours travaillé les deux supports en même temps. Les deux sont tirés finalement de la pratique que j’ai mis en place au fur et à mesure des années. Il n’y a pas tant de sélection, mais plutôt des choix, souvent aléatoires. J’ai cette sensation, parfois, que choisir c’est renoncer. Et je n’aime pas renoncer…
Dans votre Dictionnaire Optimiste il y a des pièces de théâtre, des dessins, des poèmes, des définitions et des “Lettres formant parfois des mots, formant parfois des lettres”. Dans la vie, envoyez-vous vraiment des lettres d’amour ou les texto suffisent ?
Pour être honnête, la lettre telle quel, je ne l’utilise jamais. Je lui préfère le colis sous toutes ses formes (avions de papier, livre surligné, ticket de caisse, etc.). C’est plus induit. On devine, on se souvient, on hésite. Il faut le décoder. Ça demande une intimité particulière, une connaissance extrême de l’autre, et surtout on évite les envolées superfétatoires de la lettre d’amour qui finalement crée l’objet même de son sujet. Pour résumer je préfère ce qui n’est pas dit que ce qui est trop dit.
Vos scénarios sont vraiment très drôles, surtout celui pour un film X. Benjamin Isidore Juveneton en vidéo ou au cinéma c’est possible ?
J’en rêverais. Tout est possible. Mais il faudra que ce soit court, bien sûr.
J’ai une grande affection pour la page 84 et son “Prière de se deswaguer”… Une petite explication ?
C’est une sorte de lâcher prise du tout numérique, tout identitaire. On utilisait ce terme SWAG à tout va pendant un temps, en signe de ralliement. Mais on ne savait même pas ce qu’il signifiait.
Votre dictionnaire nous dit “Vous n’allez pas mourir de lire”, que lisez-vous ?
De tout. De la théorie de l’art, de la philo, et beaucoup de littérature contemporaine. Mes classiques sont Beckett, Barthes et Sophie Calle. Et mes derniers coups de cœur sont Celle que vous croyez de Camille Laurens et Les putes voilées n’iront jamais au paradis, Chahdortt Djavann.
Vous définissez l’Art de deux manières : “Ensemble de procédés conscients par lesquels l’homme tend à une certaine fin, cherche à atteindre un certain résultat” et “La vie est un art, la mort, une exposition. Parfois il n’y a personne au vernissage” et vous définissez la Fin comme “Projet à long terme”, quelle est la fin de votre art ?
Rester vivant.
Adieu, et à demain | Éditions du Chêne
Alexandre Fisselier