700 et Ortolan, la mode à l’Armagnac

Louis-Marie de Castelbajac nous livre ses secrets d’armagnac avec ses deux créations : le 700 et l’Ortolan.

Louis-Marie de Castelbajac, vous êtes le fils du créateur et artiste Jean-Charles de Castelbajac. Votre enfance est bilingue et multiculturelle, entre la France, patrie paternelle, et les États-Unis, terres maternelles. Gamin vous réalisez des dessins et peintures avec un ami de la famille, un certain Keith Haring. Bercé de créations vous devenez naturellement un touche à tout – acteur, créateur, designer – vous aimez entreprendre. Maintenant, vous voilà producteur d’Armagnac, quel cheminement a permis cette nouvelle ligne de CV ?

Lorsque j’ai commencé ma quête de producteurs, il y a cinq ans, je désirais approfondir mes connaissances de la région (le Gers, ndlr). J’avais besoin de retrouver mes racines familiales, et de fédérer deux mondes qui me sont chers, le savoir faire d’un artisanat et le design. Je voulais amener une notion contemporaine à l’armagnac, lui donner une parole actuelle, lui qui est authentique et empli de bonnes valeurs. Pendant ces années, j’ai pu affiner ma vision du clash des générations et de deux mondes pour intégrer ma vision du goût et du design.

D’ailleurs, avant même de déguster vos armagnacs, l’Elixir 700 et l’Ortolan, une chose frappe, l’importance du visuel. Quelles ont été les démarches esthétiques ?

Étant passionné d’Histoire et de design, j’ai eu à cœur de tout faire de A à Z. Pour le 700 j’ai fait appel à plusieurs artisans de la région afin de travailler avec le feutre de laine, une matière qui rappelle le Gers. J’ai donc contacté une manufacture de béret, autre symbole du sud ouest. Le 700 devait me permettre de réaliser un tour à 360° de la région, il devait en être l’évocateur contemporain.

Pour l’Ortolan je me suis inspiré de l’héraldique, j’ai joué avec le subconscient et les blasons. J’ai aussi créé un petit rituel de dégustation amusant et ludique, où on met un drap sur la tête pour capter tous les aromes. Je me suis inspiré d’une recette traditionnelle à base d’ortolan (un petit oiseau, ndlr) où, lors du repas, les gourmets se mettent un drap sur la tête pour concentrer les fumets. L’Ortolan c’est un peu l’enfant rebelle de la famille, que l’on boit en long drink, en cocktail ou en shoot. Il  s’intègre dans notre génération. La bouteille suscite un côté ancien, mais le logo et les rayures apportent une dimension plus large, ils ramènent au contemporain avec puissance. Le design de l’Ortolan se trouve entre deux temps, il se joue de la juxtaposition d’univers, comme un amalgame.

Comme un comeback de l’Armagnac ?

Voilà, suite à mes expériences avec les producteurs j’ai juste eu à me concentrer sur la rupture à apporter pour casser les murs, et changer la vision de la bouteille traditionnelle. Je devais reprendre toute la tradition, la fidèle excellence de confection sur plusieurs générations, et la réveiller.

 

Et après le look, on goûte. Comment ont été produits le deux armagnacs, quelles sont leurs compositions, leurs sensations ?

Quand j’ai débuté, je voulais vraiment faire de 700 un hommage. Je me suis associé à un maître de chais, Eric Artiguelongue, pour travailler avec quelques producteurs sur les parcelles que je possède dans la maison familiale. L’idée de 700 c’est de transmettre sept cents ans de savoir-faire dans une bouteille. Nous avons donc fait un travail quasi « archéologique » pour repérer, dans d’anciens livrets de production, les besoins pour rendre le meilleur hommage possible à l’armagnac. Pour traduire au mieux nos recherches nous avons choisit une base XO Supreme de 20 ans, pêchu, qui possède une belle rodeur en bouche, allant sur le fruit sec, additionné d’un millésime 1962 qui offre des notes de cacao grillé et apporte une charpente extraordinaire qui vient adoucir la première gorgée. Je voulais en faire un armagnac un peu nomade, itinérant. Nous sommes conscient que les millésimes 1962 ne sont pas éternels et qu’il faut en laisser pour les générations à venir. Nous changerons alors l’année 62 par un autre bon cru, admettons un 75 ou un 50, et l’assemblerons à notre base de vingt ans. Le 700 restera constamment en évolution, à la manière d’une compilation de bonnes années, pour rendre totalement hommage.

L’Ortolan, je voulais le faire avant le 700, mais j’avais besoin de passer par le traditionnel avant de venir briser les codes. L’Ortolan existe pour décloisonner l’armagnac et pour affirmer que cet alcool dispose de saveurs extraordinaires, comme le whisky. Il se refuse à la réduction de seul digestif. Je veux que le dégustateur s’approprie la boisson, qu’il puisse y mettre un glaçon s’il le souhaite. L’Ortolan est sans complexe. Il n’est pas boisé mais très léger, fruité et floral. Souvent dans un cocktail, l’armagnac écrase les autres saveurs, nous en voulions un qui complète sans empiéter. Nous avons donc recherché quel armagnac utiliser, et sommes tombés sur certains qui avaient vieilli dans de vieux fûts de 60 ans. Ces derniers donnent beaucoup moins de tanin, l’Ortolan est donc plus léger en couleur, moins boisé et plus fruité. Avec lui, je veux créer de nouveaux rituels de dégustation.

 

On peut lire sur vous quelques papiers vous accordant un côté Playboy, flirtant parfois le tabloïde. Mais dans l’ensemble on retient surtout de vous quelque chose comme le « bon pote », voir le « bon gendre » pour certains journaux. Séducteur, amical et familial. Ces traits se reflètent-ils dans vos armagnacs ?

(Rires.) Oui, mais le plus important c’est que chacun s’approprie l’armagnac en fonction de ses propres goûts et émotions. Alors beaucoup de choses peuvent se retrouver.

En plus des futurs assemblages de 700, quels sont les autres projets de la maison ?

J’ai fait une collaboration avec SWAROVSKI, qui sortira cette année. Mais surtout, les projets millésimes, que je veux faire depuis longtemps. Ils seront présentés dans de très belles éditions, limitées à un millésime par an. Il existe des âges absolument extraordinaires à faire découvrir.

Et vos projets ?

Je m’apprête à lancer une capsule pour une marque de swingwear franco-américaine, MACKEENE. Et depuis mon intervention sur mes bouteilles je travaille avec plusieurs sociétés dans le bordelais ou dans le cognac, autant sur l’aspect design que histoire de la société, pour créer un ADN.

Alexandre Fisselier