Rencontre avec Cléa Vincent

adscite est allé à la rencontre de la rayonnante Cléa Vincent. Entre notes bleues, rires et douceurs naïves la chanteuse nous livre ses influences culturelles diverses, sa méthode de création et même une technique pour choper.

Retrouvez l’autoportrait de Cléa Vincent

Où as tu puisé tes inspirations musicales pour créer ?

J’ai fait du piano, enfant, à cinq ans. Donc déjà petite, dès que dans un morceau j’entendais du piano, je reconnaissais le son de cet instrument et j’aimais. Tout simplement. Particulièrement des pianistes de jazz comme Thelonious Monk, Dave Brubeck, Bill Evans. Et même Michel Petrucciani, un jazzman français qui a super bien marché à l’international. Pour moi, c’était un type très doué malgré les critiques qui lui reprochaient d’amener un côté trop grand public au jazz. Certains voyaient en lui une sorte d’André Rieu du piano… Moi, je m’en fous, je trouve juste que c’est un pianiste extraordinaire. Mais bref, les pianistes m’ont marquée quand j’étais enfant. J’ai donc mis au coeur de ma musique de nombreux claviers et rythmiques.

La voix est une chose très personnelle, mais j’ai sûrement été influencée par des chanteuses, et quelques chanteurs du type Dick Annegarn. Ce type à une voix particulière, étrange, il m’a ouvert les yeux, avec d’autres, sur le fait que des voix spéciales peuvent trouver leurs places.
Quand j’avais quatorze quinze ans, j’adorais aller dans des boums. Quand je recevais un carton d’invitation c’était l’excitation totale, je savais que j’allais aller danser. Puis entre mes quatorze et mes dix-huit ans, il y a eu toute une vague French Touch avec les Daft Punk, Phœnix, Air, Etienne de Crecy, Sébastien Tellier et tout le reste.

C’est marrant que tu parles de Tellier. Je me disais que ta musique était comme la sienne, surtout sur l’album Sexuality, parfaite pour draguer au bord d’une piscine en été.

Il paraît que ça marche de draguer les filles avec mes chansons. Et j’ai entendu dire que certains avaient déjà rattrapé des nanas avec Retiens mon désir. (Rires)

Et tes influences culturelles ?

Alors, je vais dégrossir. Déjà, d’une manière générale je n’aime pas la violence, je n’aime pas être triste, je n’aime pas regarder des films tristes… Généralement la culture je l’aime légère, entraînante, souriante, solaire. J’aime aussi tout ce qui est très contemplatif, j’adore quand on laisse une grande place à l’imaginaire. Du coup, j’apprécie naturellement les peintures impressionnistes, les peintures de Joan Miró, les grands aplats de couleurs qui font rêver. J’aime la peinture pure et naïve… Je pense que j’aime l’art naïf.
Pour les films, j’adore Éric Rohmer, les paysages qui durent en musique. J’aime rêver devant un film !
Sinon, en mode, mettons ça en culture. Ce qui me plait ce sont les vêtements très épurés et unis.

Cléa Vincent en G. Kero, ça devrait bien t’aller non ?

J’aime beaucoup cette marque. J’ai découvert G. Kero et l’ai trouvée aussitôt très solaire, très fraîche… Et c’est rigolo. J’ai d’ailleurs acheté une chemise pour une amie récemment. Les petits personnages sur les vêtements de cette marque sont très naïfs, ça me correspond assez. Sauf peut-être une chemise, que j’aime… mais je n’assumerai pas de porter les petits bonhommes à poil sur moi. Ceci dit, une copine la porte très bien. (Rires)

L’eau, Miró, le bleu… tu l’aimes bien cette couleur ?

Pourquoi j’aime tant le bleu ? Pour moi c’est doux, apaisant… Mais existe-t-il une couleur que je n’aime pas ? Ouais, le marron par exemple je n’aime pas trop. (Rires)

C’est quoi ton processus créatif ?

J’ai besoin d’avoir du temps, d’être seule. J’ai besoin d’être un peu triste, triste parce que je suis seule. Oui, je déteste la solitude, mais je me force un peu car ça me permet de faire ressurgir des émotions, ça me fait me raccrocher à l’essentiel. Je déteste tellement être seule que j’écris dans ces moments pour me rattacher à la vie. Cet état de manque me donne des idées, des images. Je n’ai pas forcément besoin d’être à la campagne ou au bord de la mer, je peux être à Paris. Pour moi ça ne change rien, du moment que j’obtienne cet état de solitude. À partir de là, j’ai juste besoin d’avoir un clavier.

Pour l’écriture sinon, ça peut être un peu partout, comme dans le métro. J’accumule les mots, les phrases, puis je dégrossis en gardant ce qui est bon. Ensuite, je le fais écouter à Raphaël Léger, le batteur de Tahiti 80, avec qui j’ai fait l’album Retiens mon désir. Avec lui c’était un véritable travail de ping-pong. Pour moi c’est hyper important d’avoir un regard extérieur sur mon travail. Parfois, tu crois que tu es bloqué et c’est ce regard qui va te faire avancer. Sur la chanson Château Perdu, je pensais devoir ajouter un refrain, j’avais l’impression de n’avoir fait qu’un couplet qui tournait en boucle. C’est Raphaël qui m’a dit « non, ça ne sert à rien d’ajouter un refrain. Il suffit d’arranger le morceau pour que des choses arrivent au long du titre sans ajouter de mots. » Car oui, dans ce morceau il y a peu de paroles, mais elles disent beaucoup de choses sur le développement musical génial de Raphaël. Sans lui, sans ce regard extérieur, Château Perdu serait moins efficace.

C’est quoi un cœur d’eau bleue ?

Ah. C’est : « j’ai beau arroser mon cœur d’eau bleue« . En gros, j’ai beau tout essayer pour ne pas penser à toi, pour éteindre le feu qui brule, sans y arriver. (Rires)

Tu es comment sur la scène ?

J’aime bien mettre des tee-shirts roses, souligner ma taille car je n’ai pas de poitrine du tout… Alors voilà, on fait ce qu’on peut. Sinon, je mets des shorts très très courts, car je n’ai pas honte et je me dis « je suis une femme, j’assume mes jambes. » Très souvent, je mets des petites chaussures à talons, elles soulignent la longueur des jambes, enfin de mes petites jambes. (Rires). Je laisse toujours mes cheveux n’importe comment, je les ai souvent dans le visage.

Et l’essentiel sur scène, mon clavier. Tout le monde me dit : « Pourquoi tu joues du clavier ? C’est bien quand on te voit. T’es une fille, il faut que tu sois devant, que l’on voit ton corps » Je réponds : « Non« . Le clavier c’est mon instrument, me mettre en avant pour montrer mon corps serait complètement crétin. Quand je pose mes mains dessus c’est presque une partie de mon corps, c’est ma vie. Sinon, sur scène, contrairement à comment je suis dans ma vie de tous les jours, je suis assez concentrée. (Rires). Ah, et j’ai souvent les yeux fermés… Je souris.

Cléa Vincent au festival Mythos © adscite
Cléa Vincent au festival Mythos © adscite

Cléa Vincent sort Tropi-cléa un EP en éditions limitées à 200 exemplaires. Pour se le procurer c’est ici : Tropi-cléa 

Remerciements : MythosMidnight Special Records

Alexandre Fisselier