Interview de Flavien Berger

Un an après sa première rencontre avec le talentueux Flavien Berger, la rédaction d’adscite fait le point sur sa productive année.

Retrouvez les autoportraits de Flavien Berger réalisés en 2016 et en 2019.

Depuis Léviathan, tu as sorti plusieurs morceaux, comment tu vas musicalement depuis un an ?

J’ai offert un album de Noël car avec mon album Léviathan le monde s’est comme sacralisé autour de moi. Ça ne m’a pas fait peur, mais je ne voulais pas quitter la dynamique de sortir des sons gratuitement et facilement. C’est là d’où je viens. Pour Noël 2014, déjà, j’avais proposé des choses gratuites, sur la thématique de l’argent. En 2015, avec mon label nous avons décidé de réitérer l’expérience. On a donc fait Contrebande, qui est une sorte de contre disque. Avec le « gratuit » je me permets de tester certaines choses, j’explore et balance au public mon méli-mélo de chansons, parlées, chantées, juste instrumentales. C’est cool et il y en aura d’autres des « Contrebande » !

Avec le même concept global qu’en 2015, accompagné par un super site « www.contrebande.pizza », qui était vraiment dingo ?

C’est en travaillant avec Raphaël Pluvinage, un bon ami designer, et Juliette Gelli, la personne qui fait les pochettes de mes disques, que nous avons eu l’idée de faire un site avec des jeux esthétiques, pour juste faire du fun. Ils ont beaucoup bossé pour faire ce scroll ludique où tu écoutes l’album en t’amusant. Tu pouvais faire des dessins, ils changeaient de couleurs, des gens les screenshootaient et se les échangeaient. D’ailleurs, je me suis filmé en faisant des dessins sur le site et lors de mon concert à la Gaité Lyrique, en février 2016 à Paris, sur les murs, entre autre, les dessins apparaissaient. Nous avons aussi fait dessiner pour l’occasion Céline Devaux, qui a réalisé mon clip Gravité et pour qui j’ai fait la musique de son film Le Repas dominicalCésar du meilleur court-métrage d’animation –, et ses dessins s’affichaient en 360 degrés dans la salle. C’était magnifique ! On voulait un outil sympa pour quelque chose de sympa.

Pour toi la musique c’est aussi un outil sympa pour un résultat sympa ?

Aujourd’hui, je ne sais plus trop, j’aime beaucoup la vidéo, mais la musique me sied bien. Je raconte des histoires que je pourrais conter autrement, mais peut-être en moins bien. Avec Léviathan je suis entré dans une sorte de confrérie où je serais gêné de dire : « ouais, pour moi la musique c’est pas tout ». Ça serait faux. Maintenant, je consacre ma vie à ça, la musique a tellement été vertueuse pour moi que  je lui ai voué allégeance. C’est un peu ça Léviathan, genre : « bonjour à toi gros machin que l’on fait depuis le début de l’humanité » et maintenant j’en suis. C’est une rencontre avec un énorme monstre. Mais je continue de bosser sur la vidéo, comme pour Gilded Glaze, un clip de vingt minutes que j’avais tourné sur trois ans de ma vie puis monté et datamoché. Là, je bosse sur quelque chose d’intimement lié à un morceau, un clip qui ne sera pas une hallucination. Mais aujourd’hui c’est définitivement la musique qui préside ma vie.

Clip de Gilded Glaze © collectif_sin~
Clip de Gilded Glaze © collectif_sin~
Pour l’écriture, comment procèdes-tu ?

Pour le moment, je ne crois pas avoir de modus opérant, mais pour l’album j’avais trois histoires de base. Le frisson de l’attraction, c’est le grand huit, se confronter à des grosses mises en perspective de flippe, comme les vertiges que peuvent provoquer l’idée de l’infini. Aussi, l’exploration sous-marine, la recherche du nouveau, et l’histoire d’amour. Le tout en faisant du collage, comme William Burroughs. J’ai assemblé parfois pour le hasard, parfois pour l’histoire, parfois pour l’expérimentation et parfois juste pour le fun. La majorité des textes de Léviathan se sont écrit pendant la conception de l’album, sur un mois, il y a deux ans. Conception rapide en raison du nombre élevé de boucles de seize mesures que j’avais déjà travaillées pendant mes live suite à la sortie de mes EP. J’utilise aussi un carnet, quand je kiffe un mot, je le note et après petit à petit des phrases viennent. Par exemple, la ligne « la nuit a mis plusieurs jours à tomber » je me souviens très bien de l’instant où elle m’est venue, après je devais juste la réutiliser.

Depuis quelque temps tu te rapproches de Jacques, bons copains ?

Il y a deux ans j’étais en résidence à La Rochelle pour préparer la sortie de mon disque et je me suis fait arnaquer en achetant un synthétiseur. L’affaire m’avait un peu traumatisée, c’était la première fois que je me faisais arnaquer à une telle hauteur financière. Pendant cette période, je dormais mal, très mal, et un matin je me suis réveillé en sueur et anxieux, impossible de retrouver le sommeil. Alors je me suis levé, j’ai pris mon ordi pour écouter l’EP de Jacques, « le mec dont tout le monde parle », je l’ai écouté trois fois à la suite, bien concentré et j’ai trop kiffé.

Et peu de temps après, Matthieu Conquet m’invite dans son émission Continent Musiques, sur France Culture, et me demande si je vois un problème à ce que Jacques soit invité aussi. Au contraire, je trouve ça top, on allait enfin pouvoir se rencontrer, en plus à la Maison de la Radio, trop la classe ! Et comme par hasard, on ne se rencontre pas là-bas, mais à Star’s Music, à Pigalle, une semaine avant l’émission. Le mec est intense, on s’entend bien, le flow est cool. Peu à peu on commence à échanger, à bosser ensemble. On a fait la B.O. d’un court-métrage qui s’appelle La Fille du Bunker, de  Eduardo Carretié. Chacun assiste aux concerts de l’autre, le respect est mutuel et la démarche assez similaire mine de rien. On veut faire de l’instant notre matière première, expérimenter l’abstraction, expérimenter l’absurde, expérimenter la danse. Il est venu jouer de la guitare lors de mon concert à La Cigale et au Festival Dour. Maintenant, on se cale sur un projet ensemble, avec un artiste plasticien qui s’appelle Theo Mercier et RBK Warrior de Sexy Sushi. Donc pour résumer Jacques c’est un bon gros pote, avec qui j’ai envie de faire de la musique et de kiffer.

The Thrill is Gone – Jacques, Flavien Berger et RBK Warrior
Nous l’avons vu à We Love Green cette année, il était sur la petite scène, on pensait être aux premières loges, pour tout voir. Et non, impossible, il s’est fait déborder, c’était la folie, les gens dansaient dans tous les sens. C’était dingo, pourtant, en face, Jacques se prenait des poids lourds : Ame, Diplo et PJ Harvey sur le même créneau. Il a assuré, les gens voulaient danser, Jacques les a fait danser.

C’est un boss ! Je me sens proche de lui, de Salut C’est Cool, si je devais m’identifier à une scène c’est celle-ci, avec eux. Pour quelque chose de moins Français il y a Dan Deacon qui « tord-boyautte » les modalités, le type peut te sortir les gens de la salle de concert tout en les faisant danser continuellement.

Quand tu étais sur scène à We Love Green, en 2015, c’était marrant les gens prenaient une sacrée claque, les yeux plein d’étoiles cosmiques et une fille, un peu solo devant, avec son petit chapeau, ne comprenait pas tout.

Elle n’a pas compris qu’il n’y avait rien à comprendre ? Elle s’en est allée ?

Non, pas du tout…

Au moins elle est restée, c’est une belle ouverture d’esprit.

Remerciements : Cabourg mon Amour et Pan European Recording

Alexandre Fisselier