Interview de Jacques Auberger

Jacques nous parle des Vortex, sa recherche artistique, de son ami Flavien Berger, et de ses live improvisés.

Retrouvez l’autoportrait de Jacques ici, ainsi que les autoportraits de Flavien Berger réalisés en 2016 et en 2019.

Jacques, tu es musicien, un public de plus en plus large s’intéresse à toi, mais avant de parler de ta musique, peux-tu nous parler de ton projet artistique centré sur le concept de Vortex ?

Le Vortex est plus un projet de recherche, qu’un projet artistique, mais ce n’est pas incompatible. À l’origine, c’était une sorte de blague, quelque chose qui nous faisait rire, Alexandre Gain et moi. C’était défenestrer une fenêtre ou percer une perceuse. Le Vortex c’est la recherche de boucles absurdes, par exemple, on prend un outil et on l’utilise contre lui même. Mais, le Vortex n’est pas uniquement physique, cette quête de la dynamique auto alimentée peut aussi être mentale ou spirituelle.

CNRV - Meuler une meuleuse
CNRV – Meuler une meuleuse
Comment définissez-vous les expériences ?

Notre champ d’expérimentation c’est tout ce qui existe par lui même, qui n’a de raison d’être que par ce qu’il existe, donc la vie dans son intégralité. Comme nos expériences, qui n’ont d’intérêt que par ce que nous les faisons. Pour étudier le phénomène Vortex nous avons créé le Centre National de Recherche du Vortex, qui n’est pas un lieu mais un programme, nous y réalisons toutes sortes d’expériences pour mettre en pratique le Vortex. Pour le moment nous sommes deux, moi et Alexandre, un de mes meilleurs amis, mais finalement tout le monde peut pratiquer le Vortex, consciemment ou inconsciemment. Je reçois des e-mails avec des idées ou des expériences, j’en ai reçu un d’un gars me disant : « aujourd’hui j’ai dépanné une dépanneuse ». Pour chercher les Vortex il faut se mettre en abîme tout en conservant un second degré pour garder l’œil sur le résultat final de chaque expérience.

Quel est le but de ces recherches ?

Nous vivons une époque soit rigolote, soit pas drôle du tout, dans laquelle des Vortex se sont immiscés un peu partout dans le système. Ils forment comme des caillots qui empêchent ce système de repartir. L’idée à terme c’est d’initier les gens au concept de Vortex pour qu’ils apprennent à les voir et évitent ainsi de tomber dedans. C’est un concept sans fin et sans frontière qui avance au rythme des moyens dont nous disposons, donc qui n’avance pas.

CNRV - Mixer un mixeur
CNRV – Mixer un mixeur
Quels sont les freins ?

Nous ne manquons pas de moyens pour réaliser les expériences, c’est plus la communication qui nous pose problème Pour les recherches, nous n’avons besoin de rien, il suffit de penser mais pour la promo il faut de l’argent. Nous avons eu des subventions du Palais de Tokyo, puis nous allons chercher d’autres sources financières. C’est ironique, car notre projet, à partir du moment où il est en action, il communique, c’est à dire que nous avons juste à le réaliser pour déjà avoir une grande part de communication.

Vous allez exposer ?

Le but n’est pas forcément d’exposer, nous faisons déjà des vidéos, qui peuvent être « installées », mais des performances, des concerts, des chansons sont d’autres médiums. Et oui, des expositions. Ça peut tout être, le but est de sensibiliser le maximum de personnes au concept de Vortex. D’ailleurs on utilise déjà d’autres manières d’atteindre le Vortex, mon dernier single s’appelle Dans la Radio et il n’a d’intérêt que dans la radio. L’idée était de faire un Vortex à tiroirs, dans lequel j’ai fait le morceau Dans la Radio, dans la Maison de la Radio (bâtiment Radio France, ndlr), avec les bruits de la Maison de la Radio alors que je passais à la radio pour la première fois.

Maison de la Radio, tu y étais avec Flavien Berger. Quand nous lui avons parlé de toi, il a fait une déclaration d’amour, sur toi et ta musique. Toi, Flavien, tu en penses quoi ?

Flavien Berger, que dire ? C’est un mec génial ! Je suis hyper content qu’il existe car quelque part il me guide sur certains aspects, quand il fait un truc j’ai l’envie de le faire. Le fait qu’il soit plus âgé que moi c’est bien aussi, quand nous étions à Radio France, c’était ma première radio et il a tout fait pour me rassurer. Autre bon exemple, j’écoute peu de musique mais je l’écoute lui. Ah, et il a une super maitrise du Vortex, comme les mecs de Salut C’est Cool.

Vous bossez sur plusieurs projets à deux, comment ça se passe ?

Flavien est purement sincère, nous passons des semaines entières ensemble à faire de la musique. Je suis longtemps resté sur une expérience traumatique causée par un ancien groupe dans lequel j’évoluais, et Flavien est la première personne avec qui j’ai repris le goût de ne plus être forcément seul pour faire de la musique. Depuis, grâce à lui, j’ai pu rejouer avec d’autres personnes. En plus on se croise tout le temps, nous sommes souvent bookés aux mêmes endroits, on s’invite parfois dans le live de l’autre. Après pour relativiser, moi je ne suis pas musicien, lui il est doué pour la musique, et je pense être plus névrosé que lui, je me triture l’esprit alors que lui, il reste tout le temps cool.

Jacques et Flavien Berger © Julie Oona
Jacques et Flavien Berger © Julie Oona
Tu abordes le sujet des live, nous t’avons vu plusieurs fois cet été, à chaque fois l’impression est différente, comment tu abordes la partie « en direct » ?

Depuis We Love Green je travaille uniquement avec des live improvisés. C’est en allant aux Etats-Unis que j’ai commencé à arrêter de jouer mes chansons pour me pencher sur le live uniquement, et en rentrant j’ai définitivement rompu. Je me suis dit « nique sa mère, j’arrête de jouer mes chansons pour faire de l’improvisation. » Le but est de faire de chaque live une sorte d’album, pour le moment je ne suis pas assez bon mais l’idée à terme c’est d’enregistrer tous mes live, de les distribuer dans des petits labels indépendants à travers le monde, de filer les droits et de ne plus m’en préoccuper.

Jacques, le musicien altruiste ?

Non, j’ai la chance d’être un musicien possédant son propre label, Pain Surprise. Du coup je peux offrir mes chansons, surtout à l’étranger, quand j’improvise un morceau, donc joué à un moment, dans un endroit précis, c’est plus sympa que des locaux le distribuent. En faisant ça, je permets à des gars de se faire un peu d’argent avec mes titres live, moi je n’en entends plus parler, mais les gens apprennent partout à me connaître un peu plus. Donc non, pas altruiste, puis c’est un peu un mot réversible, je préfère admettre que je fais les choses pour moi, même si d’autres en profitent.


Pour aller plus loin : À la recherche du Vortex

Remerciements : Stéréolux, Pain Surprises et le Centre National de Recherche du Vortex

Alexandre Fisselier