Fondation Hippocrène feat. Fondation Otazu

Du 12 Octobre au 16 Décembre 2017, la Fondation Hippocrène invite la Fondation Otazu en son sein. Au numéro douze, de la rue Mallet-Stevens dans le seizième arrondissement de Paris, l’ancien atelier de l’architecte Robert Mallet-Stevens accueille depuis 2001 la Fondation Hippocrène. Chaque année, elle y expose les Propos d’Europe, un évènement d’art contemporain réunissant œuvres et artistes de pays multiples.

Pour cette seizième édition des Propos d’Europe, c’est la Fondation Otazu qui poursuit, pour une quatrième année, les partenariats entre la Fondation Hippocrène et divers centres d’art européens et autres fondations dans le cadre de cartes blanches. Ainsi, après la Fondation Giuliani de Rome en 2013, la David Roberts Arts Foundation de Londres en 2014, la Fondation Haubrok de Berlin en 2015 et enfin la KaviarFactory de Henningsvær en 2016, c’est au tour de la Fondation Otazu de présenter ses Propos d’Europe, titrés cette année Politics of Dreams – Manœuvres de L’équilibre : Iberoamérica.

La Fondation Hippocrène croit absolument dans l’identité européenne et milite par l’art à la reconnaissance d’une citoyenneté commune. C’est dans cette démarche que les Propos d’Europe s’inscrivent afin de promouvoir la circulation d’artistes en Europe.

La jeune Fondation Otazu, créée en 2016, a elle pour mission de conduire le centre d’art de la ville navarraise Otazu, en Espagne. La fondation, présidée par Guillermo Penso Blanco abrite la collection Kablanc, principalement constituée d’œuvres d’art ibérique et latino-américain, et promeut une union entre nature et art, vin et œuvres plastiques.

Ces Propos d’Europe s’inscrivent dans le Parcours Privé de la FIAC 2017, et exposent à la Fondation Hippocrène les artistes suivants : Jordi Bernadó (Espagne), Marilá Dardot (Brésil), Gabriel de la Mora (Mexique), Leandro Erlich (Argentine), Ignacio Gatica (Chili), Dalila Gonçalves (Portugal), Arturo Hernández Alcázar (Mexique), Bruno Kurru (Brésil), Ximena Labra (Mexique), Daniela Libertad (Mexique), Fabio Morais (Brésil), Nazareno (Brésil), Karyn Olivier (Trinité-et-Tobago), Jaime Pitarch (Espagne), Celina Portella (Brésil), Liliana Porter (Argentine), Enrique Ramirez (Chili), Nicolás Robbio (Argentine), et Lucas Simoes (Brésil).

Jaime Pitarch, Jabon de Alepo © Paul Nicoué
Jaime Pitarch, Jabon de Alepo © Paul Nicoué

Rencontre avec Guillermo Penso Blanco, président de la Fondation Otazu

Guillermo, vous dévoilez avec Sofia Mariscal, curatrice de la collection Kablanc, la première sortie internationale à la Fondation Otazu. Pouvez-vous nous en dire d’avantage ?

C’est la première fois que nous sortons de nos vignobles de manière si large, au travers d’une expérience réellement intéressante. La proposition que nous a faite la Fondation Hippocrène est pour nous très importante. Surtout que pour une fondation, recevoir l’invitation d’une autre étrangère pour exposer est une opportunité exceptionnellement rare dans le monde de l’art. Nous sommes conscients de notre chance. Généralement, on nous demande un prêt de quelques œuvres, pas de faire une exposition totale. Recevoir une telle liberté pour organiser une exposition de la Fondation Otazu dans un autre lieu est magnifique. Nous espérons tant pouvoir renouveler cet essai, mais toutes les autres fondations n’ont pas l’ouverture d’esprit de la Fondation Hippocrène.

Pouvez-vous éclaircir la notion Iberoamérica ?

Iberoamérica est un débat entre deux groupes de penseurs. Un premier, qui voit une filiation dans l’ensemble des pays américains ayant été colonisés par les Royaumes d’Espagne et du Portugal. Un second groupe, qui lui globalise l’idée de Iberoamérica autour des langues espagnole et portugaise. Je suis plus proche de ce deuxième courant de pensées, et la Fondation Hippocrène également, ce qui a facilité le dialogue et la mise en place d’un réel récit pour Politics of Dreams – Manœuvres de L’équilibre : Iberoamérica.

Celina Portella, Auto-sustentavel © Paul Nicoué
Celina Portella, Auto-sustentavel © Paul Nicoué
Dans la sélection présentée à la Fondation Hippocrène nous retrouvons quatre œuvres de l’artiste Portègne, Liliana Porter. Pourquoi cette mise en avant ?

Je trouve l’œuvre de Liliana Porter, au sens large, très proche de la thématique de l’exposition Politics of Dreams – Manœuvres de L’équilibre : Iberoamérica. Quand nous avons pensé aux dynamiques du travail, du temps, ou encore de l’économie, l’univers de cette artiste s’est révélé comme une évidence. Surtout que nous l’apprécions particulièrement à la Fondation Otazu, elle a une place presque privilégiée au sein de la collection.

Nous montrons donc ici quatre œuvres de Liliana Porter, mais il faut souligner que toutes ne sont pas faites des mêmes médiums. Deux sculptures de la série Forced Labor sont mises en avant. Elle sont très liées à l’exposition, avec des notions intrinsèques de libéralisme, de salaire et de crise financière. Nous dévoilons aussi To Go There (Pink Sky) qui est un dessin. Et enfin la vidéo Breaking News, projetée au sous-sol de la Fondation Hippocrène. Je trouve que cette dernière communique bien avec la vidéo Diario de Marila Dardot, montrée sur trois écrans, au sous-sol également.

Autre argument, peut-être moins légitime mais important, Liliana Porter est un nom reconnu. Elle est exposée au Met de New-York, au Tate à Londres, ou encore à la Biennale de Venise de cette année. Mais réduire sa plus forte présence à sa notoriété serait lui faire offense. Je pense sincèrement que si la thématique avait été différente pour cette exposition, un autre artiste serait à la place avantageuse de Liliana Porter.

Liliana Porter, Weaver © Paul Nicoué
Liliana Porter, Weaver © Paul Nicoué
Sans axer sur cette exposition particulière, mais de manière plus large, comment faites-vous la sélection des œuvres pour la Fondation Otazu ?

Je n’ai pas vraiment de belle explication. Je trouverais peut-être de plus jolis mots dans ma langue maternelle, mais je dois dire que c’est très intuitif. Avec Sofia Mariscal, nous avons l’habitude de travailler avec l’art, pour des galeries ou des musées, donc nous voyageons beaucoup, et écumons les différentes foires d’art. Aussi, nous essayons au maximum de rencontrer les artistes, de dialoguer avec eux pour mieux les connaître. Mais malgré nos liens avec l’art et nos différents accès, quand il faut choisir une œuvre particulière pour l’acheter nous le faisons avec intuition. Tout en gardant à l’esprit que la pièce devra imprégner le lieu de la Fondation Otazu de son aura et dialoguer avec les autres œuvres. Et surtout, que je l’aime encore demain sans m’être lassé. L’art est une chose très émotionnelle, une œuvre peut très bien dialoguer en harmonie avec les autres, si je ne l’aime pas, ce n’est pas la peine. J’ai quand même besoin de rêver, ou du moins de ressentir des choses face à une œuvre.

Quelle est la première œuvre acquise par la Fondation Otazu ?

La première œuvre que j’ai achetée comme curateur de la collection, qui est différente de la première acquise par la fondation, je crois que c’est Redefining limits de l’artiste brésilien Bruno Kurru. Une sculpture composée de six pièces en résine acrylique et béton. Elle est d’ailleurs présente dans le cadre de Politics of Dreams – Manœuvres de L’équilibre : Iberoamérica. Je la trouve magnifique, nous avons modifié le paysage du vignoble pour lui donner toute sa superbe à la Fondation. Nous avions une grande porte que nous avons coupée en deux pour laisser passer l’œuvre en dessous.

Bruno Kurru © Paul Nicoué
Bruno Kurru © Paul Nicoué
À part pour Redefining limits de Bruno Kurru, comment se présentent les autres œuvres sur le domaine de la Fondation Otazu ?

Déjà, il était très important pour nous de mêler totalement l’art avec le travail sur le domaine. Par exemple, notre salle des barriques, un lieu très industriel, est utilisée pour son utilité première, son usage viticole, pourtant, nous ne l’avons pas dépouillée d’art. Alors, bien entendu la salle des barriques n’est pas le meilleur espace pour exposer, par sa vocation économique et par sa configuration. Néanmoins, il était très important pour nous de ne pas isoler des zones sans art et d’autres avec. La Fondation Otazu est un projet global, qui enrobe le travail, l’art ou encore la passion. Le but est de centraliser une expérience de partage dans un unique domaine, où il est possible d’ouvrir une bouteille de vin avec des amis entre quelques œuvres d’art.

Alors parlons économie du vin. Combien de bouteilles le domaine Otazu produit-il par an ?

Nous avons un petit domaine de cent dix hectares. Je dis « petit » car pour nous ce n’est vraiment pas énorme, alors qu’en France cela serait déjà un très beau domaine. Pour autant d’espace, nous produisons seulement 350.000 bouteilles par année. Notre rendement n’est pas énorme. Pour donner une idée de production espagnole, un vignoble moyen en Espagne produit environ deux millions de bouteilles, et un gros domaine environ vingt millions.

La marque Otazu transmet-elle de l’art directement par les bouteilles ?

Comme beaucoup de domaines aujourd’hui, nous associons nos vins à des artistes, par du travail sur les étiquettes, les coffrets ou autres idées. Mais nous développons actuellement quelque chose de plus fort à mon sens. Ce projet s’appelle, pour le moment, « El Genio de Otazu », et doit exprimer l’essence même de Otazu. Pour cela, nous sommes associé à un artiste à qui nous confions une barrique pour qu’il en soit l’œnologue, en plus des ses interventions artistiques plus attendues.