Maintenant – Art, Musique et Technologie

Pour sa seizième édition, le festival Maintenant, à Rennes, du 7 au 16 Octobre 2016, invite cent artistes sur dix jours dans vingt-cinq lieux de l’agglomération Rennaise et présente quatre types de propositions musicales différentes : six « Ambiance Électronique », soirées panoramiques de la scène électronique émergeante locale, trois « Nuit Électronique », la programmation est internationale et éclectique, sept « Expérience », des instants d’unions magiques entre art et musique, et deux « Brunch Électroniques ». Plusieurs Workshop, performances, ateliers, vernissages et projections ponctuent également le festival.

C’est au Théâtre du Vieux Saint-Etienne, ancienne église paroissiale datant du XIIème siècle, que le festival a établi son « Quartier Général » et accueille les « Ambiance Électronique » ainsi que trois œuvres presque ambassadrices des valeurs de Maintenant. Les trois installations, Polyphonic Playground, Uluce et Logik, mêlent idéalement arts, musiques et technologies. Polyphonic Playground est une installation du studio londonien PSK présentée pour la première fois en France. Avec un look d’air de jeu pour enfant, la structure se pare de capteurs qui, liés à une peinture conductrice, permettent la production de sons et la création de mélodies. Les deux autres œuvres, Uluce et Logik sont les aboutissants du second appel à projet à destination des écoles lancé par l’association Electroni[k], qui chapeaute Maintenant. Le but de l’action est de pousser les postulants à développer des collaborations inter écoles afin que des étudiants en design, graphisme, art, musique, ingénierie, etc., puissent travailler ensemble et croiser leurs compétences.

Polyphonic Playground © Studio PSK
Polyphonic Playground © Studio PSK
L’art à Maintenant

Parmi les pièces les plus attendues de la seizième édition nous retrouvons l’installation du Studio PSK avec son Polyphonic Playground, mais aussi les cinq lapins gonflables, géants et lumineux de Intrude, de l’Australienne Amanda Parer. Les colossaux rongeurs, disposés le long du Mail François Mitterrand, en imposent par leur taille, certes, mais aussi par leur symbolique contemporaine et populaire si mignonne et ici aussi poétique que fantastique. Seulement, sur l’« île continent » natale de l’artiste, ces bêtes à poils ne bénéficient pas de la même aura qu’en France, espèce introduite par les colons britanniques en Australie, le lapin devint vite un problème écologique, ravageant tout sur son passage. Clin d’œil sensible et subtile aux actes de l’Homme sur la nature, Intrude est une véritable réussite tant par sa philosophie que par sa capacité à affriander les passants.

Intrude, Amanda Parer
Intrude, Amanda Parer

Autre acte phare de l’édition 2016, le paysage éphémère de Yasuaki Onishi et son Reverse of Volume, qui embarque la salle Anita Conti des Champs Libres dans un voyage immersif émouvant et reposant. L’artiste né en 1976 à Osaka use de cette œuvre pour façonner le vide en fragile montagne diaphane, ses matériaux se réduisent à trois éléments simples : du plastique, de la colle et du fil de pêche. À l’occasion d’une rencontre avec Yasuaki Onishi, adscite a recueilli quelques anecdotes : « j’aime travailler avec empathie, à chaque fois que j’entame mon travail pour sculpter Reverse of Volume je prends l’énergie du lieu mais aussi ses contraintes d’espace ou autres, ici, par exemple, c’est la première fois que je m’installe dans une salle où les murs sont noirs, j’ai l’habitude du blanc. J’aime que ma masse flotte sans être totalement en « lévitation », j’utilise de la colle noire et non transparente pour marquer ce désir, un peu à la manière dont les traces de colle se distinguent à travers une feuille de papier collée à une autre, ce n’est pas de la magie et ça se voit.»

 
Reverse of volume, Yasuaki Onishi © adscite
Reverse of volume, Yasuaki Onishi © adscite

La rédaction, curieuse, se demandait combien pouvait bien peser cette œuvre : « Rien que pour la colle il y a environ dix-huit kilogrammes, à ça il faut ajouter le plastique et les fils de pêches, nous passons vite les vingt kilos… J’ai embarqué avec trois valises dans l’avion afin de transporter tout mon matériel. » Reverse of Volume prolonge le festival jusqu’au 30 octobre 2016, à ne surtout pas rater !

Notons aussi l’exposition solo De choses et d’autres du québécois Samuel Saint-Aubin, au Grand Cordel du 7 octobre au 3 décembre 2016, qui développe des dispositifs électroniques légers qui ont la particularité de mettre en scène des éléments du quotidien dans une dérision poétique et naïve. Avec son univers parsemé de choses insolites et insolubles, l’artiste et inventeur pousse le spectateur à la réflexion et lui donne le sourire.

À l’Hôtel Pasteur, l’installation Parsec du Collective Macular attend bruyamment les visiteurs dans l’ancienne bibliothèque de la faculté d’ontologie. Dans une atmosphère sombre, presque claustrophobe, seize bras robotiques lumineux et sonores tournent sur eux-mêmes dans une chorégraphie cinétique futuriste, hypnotique et épileptique.

Autre action pertinente de Maintenant, proposer au Tambour une rétrospective cinématographique du meilleur du festival berlinois Pictoplasma. Lors de deux séances de 1h30, les spectateurs découvrent les florilèges 2015 et 2016 composés de clips, d’animations et autres courts-métrages. Le montage rappelle un zapping, les « films » sont tous différents, parfois humoristiques, abstraits, enfantins, mélancoliques, agressifs, etc. Une merveilleuse manière de découvrir en une unique soirée des dizaines de talents internationaux.

La musique à Maintenant

Pour la musique, Gaétan Naël, président de l’association Electroni[k], conseille le musicien, compositeur et chercheur français « Jackson qui a sorti un projet sur le fameux label Warp Jackson And His Computerband. Il revient après un an de résidence à la Villa Médicis, à Rome. Pour sa représentation de Light Metal Music à Rennes, il va donner à entendre et à voir les spectres de la lumière, à l’aide d’interfaces et nouveaux systèmes qu’il a développé, et grâce à un dispositif tactile fait de métal et de cordes. C’est le Parlement de Bretagne qui accueillera Jackson. Avec cette prestation nous sommes plus proche du Sound design ou du Sound Art que de la vraie musique. » À ne pas rater également, « l’artiste japonais Masayoshi Fujita, véritable virtuose du vibraphone qui se produira sous l’œuvre de Yasuaki Onishi et aussi au milieu des collections du Musée des Beaux-Arts de Rennes, accompagné par des musiciens du Conservatoire de Rennes. C’est une chose que nous aimons beaucoup à Electroni[k], faire découvrir le patrimoine en même temps que des œuvres ou des performances. La suédoise Klara Lewis viendra à son tour au Musée des Beaux-Arts pour une prestation plus proche du traitement électronique. »

Yamasoshi Fujita © Lucie Inland
Yamasoshi Fujita © Lucie Inland

Alexandre Fisselier